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générale : Dieu donna à son Église la charité. Par la charité, il n’y eut pas de cœur ou l’Église ne pût pénétrer ; car le malheur est le roi d’ici bas, et tôt ou tard tout cœur est atteint de son sceptre. On pouvait résister à la grâce, à la raison ; mais qui résistera à la charité ? Pourquoi haïr ceux qui font du bien ? Pourquoi tuer ceux qui donnent leur vie ? Désormais l’Église pouvait aller avec confiance conquérir l’univers ; car il y a des larmes dans tout l’univers, et elles nous sont si naturelles, qu’encore qu’elles n’eussent pas de cause, elles couleraient sans cause, par le seul charme de cette indéfinissable tristesse dont notre âme est le puits profond et mystérieux. La métaphysique et l’histoire sont les colonnes de la vérité ; mais ces colonnes sont cachées dans les fondements du temple, on ne les visite qu’à la lueur des flambeaux et avec des hommes d’élite. Un humble prêtre, un curé de campagne ne descendra point avec les sciences dans la chaumière du pauvre ; il y descendra avec la charité. Il y trouvera une âme souffrante, et par conséquent ouverte. Et le pauvre, voyant le prêtre venir à lui avec le respect de sa misère et le sentiment de sa douleur, reconnaîtra sans peine la vérité sous les habits de l’amour.

Mais, tandis que je parle de charité, il me vient un doute : O mon Dieu ! sommes-nous charitables comme nous devrions l’être ? Y a-t-il parmi vous, qui êtes jeunes, des âmes ardentes, des âmes tendres pour Dieu et pour le pauvre ? Ne voyez-vous