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manteau de leur respect. En même temps elle met dans le cœur des souverains ce respect si délicat, si précieux à l’égard de leurs peuples ; elle leur fait pratiquer au fond de leurs palais et au milieu de leur pompe cette parole évangélique : Que celui qui veut être le premier parmi vous soit votre serviteur[1].

La force de persuasion qui résulta de ces avantages rationnels fut immense. Soit qu’on partît des idées, de l’histoire, des mœurs ou de la société, l’Église était hors de pair. On pouvait tout lui ôter, son patrimoine, le secours de l’autorité civile, la liberté commune à tous ; on pouvait jeter ses ministres dans les prisons, les torturer sur les échafauds ; mais on n’emprisonne pas la raison, on ne brûle pas les faits, on ne déshonore pas la vertu, on n’assassine pas la logique. Nous sommes donc forts, Messieurs, d’abord par l’esprit de Dieu, qui parle en nous, mais aussi par l’esprit humain, qui, lorsqu’il vient à examiner de sang-froid notre histoire, nos dogmes, notre morale, est forcé de convenir que rien n’est plus solidement établi.

Toutefois ce n’était point encore assez. L’histoire ne s’adresse qu’à ceux qui l’ont étudiée ; les idées ne parlent qu’à ceux qui peuvent les comparer ; la civilisation n’est appréciable qu’à des hommes civilisés eux-mêmes. Il fallait à l’Église une source de persuasion plus humaine encore, c’est-à-dire plus

  1. Saint. Mathieu, chap. XX, vers. 26.