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société des hommes, avec Dieu, existait depuis le commencement ; mais elle n’existait pas avec l’organisation et la force qu’elle a reçues de Jésus-Christ. Aussi Jésus-Christ ne dit-il pas qu’il va établir l’Église, mais qu’il va l’établir sur la pierre, sur une pierre destinée à briser ceux qui tomberont dessus et ceux sur qui elle tombera[1]. Jésus-Christ a achevé l’Église, comme il a tout achevé ; mais, avant la consommation, l’homme n’était pas abandonné, il était préparé et soutenu. Sa condition ne valait pas notre condition présente ; mais elle était suffisante et juste, s’il eût voulu la mettre à profit. Il a péri par sa faute, non par la faute de Dieu.

L’Église a constitué la vérité socialement, et si, revenant sur l’espace que nous avons parcouru, nous nous demandons pourquoi l’homme est un être enseigné, nous répondrons que l’homme est un être social comme tous les êtres, qui, tous à leur manière, vivent par la société, mais que l’homme ayant de plus qu’eux l’intelligence, son intelligence aussi doit vivre par la société, et que la nourriture de l’intelligence étant la vérité, la vérité doit lui être transmise socialement, c’est-à-dire par l’enseignement. Si l’homme n’eût pas péché, Dieu seul eût été son précepteur, son maître : l’homme, s’étant séparé de Dieu par le péché, est resté vis-à-vis de l’homme primitivement instruit par Dieu, mais pouvant oublier ce que Dieu lui avait dit et le corrompre.

  1. Saint Mathieu, chap. XXI, vers. 44.