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et la distinction du juste et de l’injuste, qu’y a-t-il sur quoi l’enseignement humain soit d’accord ? Qu’y a-t-il que cet enseignement ne corrompe ? Je parcours avec effroi les lieux où l’homme enseigne l’homme : où trouver une bouche qui n’en contredise une autre, et ne la convainque d’erreur ? Je nomme Londres, Paris, Berlin, Constantinople, Pékin, villes célèbres qui gouvernent le monde et qui l’instruisent : y en a-t-il une seule qui n’ait ses opinions, ses systèmes, ses mœurs, ses lois, ses docteurs d’un jour ? Ne sortons pas de cette capitale ; elle est, dit-on, le chef-lieu de la civilisation humaine : eh bien, depuis quatre-vingts ans, comptez les doctrines qui y ont eu cours, et qui de là se sont répandues sur l’Europe. L’idolâtrie avait des dieux sans nombre et un Panthéon unique élevé à leur gloire ; mais qui dénombrera les opinions humaines, et bâtira un Panthéon assez vaste pour leur donner à toutes un autel et un tombeau ? Et pourtant l’homme est un être enseigné ; il subit nécessairement les pensées qui s’agitent autour de son berceau. Si l’homme n’était pas un être enseigné, il communiquerait directement avec la vérité, et ses erreurs seraient purement volontaires et individuelles ; mais il est enseigné, et l’enfance ne peut se défendre contre l’enseignement de l’erreur, et le peuple ne peut se défendre contre l’enseignement de l’erreur, et la plus grande partie des gens éclairés ne peut se défendre contre l’erreur qu’elle a sucée dans l’enfance, ni contre l’ascendant de quelques