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cette puissance, et vous agenouillant devant elle, vous disiez : Voici mon seul maître et mon seul roi ! C’est la raison qui m’enseignera désormais s’il existe des sensations, des idées, une conscience, des choses qui ne se voient pas et qui soutiennent ce monde que nous voyons. Vous le disiez, Messieurs, mais c’était en vain, vous ne pûtes pas vous dépouiller de l’homme primitif ; votre raison était un don de votre éducation; vous étiez les fils de l’enseignement, les fils du préjugé, les fils de l’homme : vous l’êtes encore. En effet, la classe éclairée se divise elle-même en deux autres : l’une, des hommes qui sont libres de leur temps, et que l’on peut nommer hommes de loisir ; l’autre, de ceux qui sont forcés au travail par la nécessité de leur position. Celle-ci est incomparablement la plus considérable. Le partage des propriétés fait que chacun a besoin de son labeur pour conserver la position sociale que lui ont transmise ses pères, et, dans une semblable servitude, on ne saurait s’occuper activement des grandes questions qui agitent l’humanité, et se livrer à des études philosophiques qui, à elles seules, suffiraient pour absorber toute une existence. Cette classe est donc à peu près dans la même impuissance que le peuple : elle est, avec l’orgueil de plus, parmi ces pauvres de l’intelligence que Jésus-Christ est venu évangéliser. Car prenez garde, Messieurs, de prendre dans un sens trop matériel et restreint les termes de l’Évangile. La première indigence est l’indigence de la vérité, comme la première richesse est la richesse de