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LA TERRE PATERNELLE

taille, à traits fortement prononcés. Il avait fait quarante campagnes dans les pays hauts sous les anciens bourgeois de la compagnie du Nord-Ouest. Retiré du service depuis longtemps, il n’avait recueilli de ses voyages qu’une modique rente qui lui suffisait à peine, et la réputation bien méritée, parmi tous les voyageurs, d’avoir été d’une force extraordinaire, marcheur infatigable, et grand mangeur. Il avait appris de Chauvin que le cadet de ses fils s’était autrefois engagé pour les pays sauvages, et, sans l’avoir jamais connu, il s’était pris d’affection pour ce jeune homme, seulement parce qu’il courait les mêmes aventures que lui, et il l’appelait familièrement son fils. Il entrait chez Chauvin à toute heure de la journée, et à chaque visite il ne manquait jamais de demander si on avait reçu des nouvelles du voyageur ; c’était alors pour lui le prétexte tout naturel d’entrer en matière, et de raconter au long les prouesses de son jeune temps, et mille et mille épisodes de ses voyages, toutes plus véridiques les unes que les autres.

Un soir il vint faire sa visite accoutumée. La mère et la fille étaient seules ; il s’assit