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LA TERRE PATERNELLE.

plus grand malheur qu’il redoutait était de voir ce fils les abandonner à son tour. Aussi cherchait-il tous les moyens de se l’attacher plus étroitement. Il crut à la fin en avoir trouvé un bien efficace ; et, comme il ne prenait jamais de résolutions tant soit peu importantes sans consulter sa femme, il s’empressa de lui en faire part.

— Tu sais, ma chère femme, lui dit-il, que nous avons déjà perdu un de nos enfants ; j’ai bien peur que l’aîné nous quitte à son tour. J’épie ses démarches depuis quelques jours, et il me semble qu’il se passe quelque chose d’extraordinaire en lui ; je lui ai même entendu dire à un de nos voisins qu’après tout son frère n’avait pas si mal fait, qu’il reviendrait dans trois ans, avec de l’argent devant lui, et qu’il pourrait alors s’établir ; au lieu que lui ne serait pas alors plus avancé. Que deviendrions-nous, ma chère femme, s’il lui prenait envie de nous quitter ? Sais-tu que j’ai dans la tête un projet qui doit nous l’attacher pour toujours ? J’y pense depuis quelque temps, et je crois que tu seras de mon avis : ce serait de lui faire donation de tous nos biens moyennant une rente viagère qu’il