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LA TERRE PATERNELLE.

berge. Comme on craignait les désordres et la désertion parmi les engagés, pendant la nuit on les envoya camper dans l’Île Dorval, à quelque distance du village. Le lendemain on les ramena à terre ; et, tout étant prêt pour le départ, les canots, montés chacun par quatorze hommes, sans compter les bourgeois et les commis, furent poussés au large. Aussitôt, à un signal donné, un vieux guide entonna la gaie chanson du départ :

Derrière chez nous y a-t-une pomme ;
Voici le joli mois de mai,
Qui fleurit quand y’ordonne ;
Voici le joli mois qu’il donne,
Voici le joli mois de mai.

Les avirons, obéissant à la cadence, faisaient bouillonner l’eau autour des canots, qui fendaient l’eau avec rapidité, s’efforçant de se dépasser de vitesse, et laissant derrière eux de longs sillons. Bientôt les chants s’affaiblirent, les sillons s’effacèrent, et les canots ne parurent plus que comme des points noirs à l’horizon… La foule, accourue sur le rivage pour être témoin du départ, se dispersa en silence…

Que Dieu daigne conduire les pauvres voyageurs…