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c’est pour choisir celle qui est la moins éloignée des figures européennes ; bientôt, après l’habitude augmente ; il préfère l’assemblage des traits qu’il voit tous les jours à celui dont il n’a plus qu’un léger souvenir ; il veut un nez épaté et de grosses lèvres etc… : de là naît cette foule d’opinions sur la beauté ; de là, ces contradictions apparentes dans les goûts des hommes. Nous avons trouvé les raisons de cette diversité en ne considérant l’homme et la femme que dans leurs rapports phisiques ; si nous les considérons maintenant dans leurs rapports moraux, nous y trouverons encor de nouvelles raisons de cette prodigieuse vérité. Nous venons de voir la beauté changer de formes, par la seulle impression des objets qui nous environnent ; nous allons la voir maintenant se prêter encore à l’inconstance de nos idées. Dès que la société, qui altère sans cesse l’ouvrage de la nature, eut changé en liaison durable l’union passagère des deux sexes, les sensations voluptueuses cessèrent d’être le seul lien qui les réunit. On mit un prix aux qualités morales et, de ce moment, les signes extérieurs qui les annonçoient firent partie de la beauté, aux yeux de ceux qui les recherchoient. À mesure que les peuples prirent de la consistance, les mœurs devenues constantes formèrent, pour chacun, un caractère national auquel l’idée de la beauté fut bientôt soumise. Quelques-uns, tels que les asiatiques, aïant rendu les femmes absolument dépendantes, et n’éprouvant auprès d’elles que des sensations et non des sentiments, se sont moins écartés de l’idée de la beauté naturelle ; ils y ont joint seulement