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primées ; icy les faits viennent à l’appui des raisonnements. Parcourez l’univers connû, vous trouverez l’homme fort et tiran, la femme faible et esclave ; que si quelquefois elle a l’adresse de lier les mains à son maître et de commander à son tour, ce cas est extrêmement rare. Quand on parcourt l’histoire des différents peuples et qu’on examine les lois et les usages promulgués et établis à l’égard des femmes, on est tenté de croire qu’elles n’ont que cédé, et non pas consenti au contrat social, qu’elles ont été primitivement subjuguées, et que l’homme a sur elle un droit de conquête dont il use rigoureusement. Aussi, loin de penser, comme quelques-uns, que la société commença par la réunion des familles, nous croirions plutôt que la 1re association fut faite par des hommes seulement, qui, se sentant plus égaux en force, durent se craindre moins les uns les autres ; mais ils sentirent bientôt le besoin qu’ils avoient des femmes ; ils s’occupèrent donc à les contraindre, ou à les persuader, de s’unir à eux. Soit force, soit persuasion, la 1re qui céda, forgea les chaînes de tout son sexe. On sent assez que, dans ces premiers temps, il n’y eut aucune propriété exclusive, on partageoit également les fruits d’un champ cultivé en commun ; on en usoit de même du gibier tué dans une chasse généralle ; les femmes même suivirent cette loi ; touttes étoient à tous[1]. Nul d’entre eux n’avoit l’idée du choix : ce-

  1. On connoit encore quelques peuplades qui vivent dans cette entière communauté.
    Note de Ch. de L.