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bien, nous pourrons y appercevoir toutes les nuances du sentiment. Les premières caresses leur tiennent lieu de déclaration ; tour à tour la femme fuit et provoque : ainsi naissent les désirs ; bientôt au comble, ils font naître l’ivresse ; elle ne s’exprime pas par des phrases élégantes, mais il ont les humides regards et les soupirs brûlants, qui sont de toutes les langues ; ils sçavent s’entendre pour jouïr de concert et peut-être ce qui les différencie le plus est qu’ils se quittent sans dégoût. Pourquoi craindrions-nous de le dire ? Femmes sincères, c’est vous que nous interrogeons. En est-il une, parmi vous, qui ait joui constament sans crainte, sans jalousie, sans remords, ou sans l’ennui pénible du devoir ou de l’uniformité ? Vous ne nous répondrez pas ; mais ayez le courage de scruter vos cœurs et jugez par vous-même. En vain l’orgueilleuse pitié voudrait donc plaindre la femme naturelle ; elle a la liberté, la force, la santé, la beauté et l’amour. Que lui manque-t-il pour être heureuse ?