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recueille peu à la fois ; les fruits, pour la plupart, sont élevés, il faut apprendre à monter sur les arbres ; le poisson, les animaux, offrent plus de difficultés encore. Dénué de force, l’enfant ne peut s’attaquer qu’aux animaux faibles, mais ceux-là sont d’ordinaire timides et fuiards ; la course est une ressource mal assurée, si la ruse ne s’y joint, et la ruse est le fruit de l’expérience ; il sera donc journellement exercé, souvent même fatigué, mais jamais affligé ny rebuté et qui pourroit trouver pénible un travail que le désir fait entreprendre, que soutient l’expérience, et que le succès couronne ? Cependant, ce n’est pas assez de manger, il faut boire ; nouvelle course à faire, mais celle-ci se fait plus lentement que les autres, car, d’une part, l’enfant a déjà dissipé une partie de ses forces ; de l’autre, il marche vers un but certain et fixe ; il n’est poussé ny par l’inquiétude de trouver sa proie, ny par la crainte de la manquer : il arrive donc plus fatigué qu’échauffé.

Là il boit et se baigne ; il nage même, car il a appris de sa mère cet art, qui n’est ignoré que des peuples instruits ; il trouve à la fois dans cette occupation un délassement, un plaisir, et le seul tonique qui soit toujours efficace et jamais dangereux. On croit donc que manger et boire occupent une grande partie du temps de notre éleve. À quoi emploiera t’il le reste ? À dormir. Belle vie, dirai t’on. Qu’on nous dise donc ce que font de plus la plus part des hommes, sinon tromper, s’ils sont foibles et opprimés. S’ils sont puissants, de pareilles occupations valent-elles le sommeil qui les remplace ? Notre éleve dort,