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dans leur objet, se réunissent dans leur but : la perfection de l’individû pour l’avantage de l’espèce. Dans le cas particulier qui nous occupe, la femme est l’individû : l’espèce est la société. La question est donc de sçavoir si l’éducation qu’on donne aux femmes développe ou tend au moins à développer leurs facultés, à en diriger l’employ selon l’intérêt de la société, si nos lois ne s’opposent pas à ce développement et nous-mêmes à cette direction, enfin si dans l’état actuel de la société une femme telle qu’on peut la concevoir formée par une bonne éducation ne seroit pas très malheureuse en se tenant à sa place et très dangereuse si elle tentoit d’en sortir : tels sont les objets que je me propose d’examiner.

O ! femmes, approchez et venez m’entendre.

Que votre curiosité, dirigée une fois sur des objets utiles, contemple les avantages que vous avoit donnés la nature et que la société vous a ravis. Venez apprendre comment, nées compagnes de l’homme, vous êtes devenües son esclave ; comment, tombées dans cet état abject, vous êtes parvenües à vous y plaire, à le regarder comme votre état naturel ; comment enfin, dégradées de plus en plus par votre longue habitude de l’esclavage, vous en avez préféré les vices avilissants, mais commodes, aux vertus plus pénibles d’un être libre et respectable. Si ce tableau fidellement tracé vous laisse de sang froid, si vous pouvez le considérer sans émotion, retournez à vos occupations futiles. Le mal est sans remède, les vices se sont changés en mœurs. Mais si au récit de vos malheurs et de vos pertes, vous rougissez de honte et de