Page:Laclos - De l’éducation des femmes, éd. Champion, 1903.djvu/28

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Tel est l’engagement que je contracte en ce jour. Le 1er devoir qu’il m’impose est de remplacer par une vérité sévère une erreur séduisante. Il faut donc oser le dire : il n’est aucun moyen de perfectionner l’éducation des femmes. Cette assertion paraîtra téméraire et déjà j’entends autour de moi crier au paradoxe. Mais souvent le paradoxe est le commencement d’une vérité. Celui-cy en deviendra une si je parviens à prouver que l’éducation prétendüe, donnée aux femmes jusqu’à ce jour, ne mérite pas en effet le nom d’éducation, que nos lois et nos mœurs s’opposent également à ce qu’on puisse leur en donner une meilleure et que si, malgré ces obstacles, quelques femmes parvenoient à se la procurer, ce seroit un malheur de plus pour elles et pour nous. Icy il est nécessaire de poser quelques principes. Et si cette marche didactique n’est pas celle de l’éloquence, il suffit à mes vües que ce soit celle de la vérité.

Ou le mot éducation ne présente aucun sens, ou l’on ne peut l’entendre que du développement des facultés de l’individû qu’on élève et de la direction de ces facultés vers l’utilité sociale. Cette éducation est plus ou moins parfaite, à proportion que le développement est plus ou moins entier, la direction plus ou moins constante ; que si au lieu d’étendre les facultés on les restreint, et ce n’est plus éducation, c’est dépravation ; si au lieu de les diriger vers l’utilité sociale on les replie sur l’individû, c’est seulement alors instinct perfectionné. Mais les facultés se divisent en sensitives et en intellectuelles. De là l’éducation phisique et l’éducation morale qui, séparées