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la bonne société, dont Laclos nous trace, dans ses Liaisons dangereuses, un tableau si exact, rivalisait de corruption avec le peuple. Ces temps ressemblaient singulièrement aux nôtres et la reconstitution nous en est aisée.

En 1784, rapportent les Goncourt, le père Élie Harel, dans les Causes du désordre public, comptait à Paris « soixante mille filles de prostitution, auxquelles on en ajoute dix mille privilégiées, ou qui font la contrebande », et les auteurs de l’Histoire de la société pendant la Révolution française ajoutent : « Les penseurs du XVIIIe siècle, effrayés des progrès du vice, en avaient cherché les remèdes ». Au contraire de ce qu’on croyait jusqu’aujourd’hui, je ne crains pas de placer Choderlos de Laclos au premier rang de ces réformateurs intelligents. Certains biographes n’avaient voulu voir dans les Liaisons dangereuses qu’un excitant de plus à cette débauche inouïe et organisée. Pour eux, Choderlos de Laclos marchait de compagnie avec Nerciat et l’auteur des Amours du chevalier de Faublas. Plus tard, des juges timorés avaient à cédé des instances inconnues. Et c’est ainsi que les Liaisons dangereuses, taxées d’ouvrage licencieux, furent condamnées à être détruites pour outrages aux bonnes mœurs, et mises ensuite à l’index, par la police. La réputation de Laclos en souffrit. « Regardons à ces fenêtres, dit Michelet nous désignant le Palais-Royal, j’y vois distinctement une femme blanche, un homme noir. Ce sont les conseillers du prince, le vice et la vertu,