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réflexions ; l’art doit aider et non changer la nature. Avant de vouloir comparer, examinez-vous et tâchez de vous connoître ; pour que l’expression de votre phisionomie soit agréable, sachez choisir celle qui lui convient ; si vos traits sont fins et délicats, si votre taille est petite, n’affectez point un air de dignité qui deviendroit ridicule ; si vos traits sont grandement dessinés, si votre taille est avantageuse, laissez à d’autres les grâces enfantines ; trop d’embonpoint vous dépare et peut-être l’eût-on oublié pour s’occuper de votre fraîcheur, mais ce deffaut devient choquant si vous voulez paroître légères ; si vos yeux sont vifs et pleins de feu, inutilement chercherez-vous à les rendre tendres ; vous ne ferez qu’obscurcir leur éclat ; si au contraire ils sont doux et caressants, vous détruiriez par une vivacité empruntée le charme qu’ils auroient fait naître. Chacun d’eux a les moyens qui leur conviennent et qui ne conviennent qu’à eux ; arrivez à votre but par le chemin que la nature vous a tracé ; c’est à la fois le plus sûr et le plus court ; que votre regard vif agisse par intervalles ; que ses coups soient redoublés, mais distants ; que, semblable à l’éclair, il éblouisse à la fois par la flame dont il brille, et par les ténèbres qui l’environnent. Mais l’action d’un regard tendre doit être continüe ; il doit nous fixer pour nous plaire, et dans nos cœurs, pénétrez pas à pas comme un jour doux dans des yeux délicats. Ne croïez pas surtout obtenir cette expression des seuls conseils de votre miroir, elle tient à vos qualités intérieures. Voulez vous donner plus de tendresse à vos regards ? Exercez la sensibilité