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s’oppose à leur exécution n’est pas catholique. Confirmez donc vos anciennes ordonnances et proscrivez la pensée qui veut les détruire, parce qu’elle est une infâme hérésie. Vous verrez aussitôt la tranquillité reparaître dans l’Église, et tous les ecclésiastiques se prosterner à vos pieds. En vain vous opposeriez la sainteté du serment que vous avez prononcé ; vous devez le violer si l’intérêt de la religion le commande, et aucun homme n’a le droit de condamner un pape qui manque à ses serments par l’ordre de Dieu. »

Pascal revint alors à Rome, et convoqua un synode pour décider sur les mesures qu’il convenait de prendre pour rompre avec l’empereur : l’assemblée ouvrit ses séances dans l’église de Latran, le 28 mars 1112 ; on comptait parmi les Pères douze métropolitains, cent quatre évêques et un grand nombre d’autres ecclésiastiques. Le saint-père prit le premier la parole et dit : « J’ai fait jurer par les évêques et par les cardinaux que je n’inquiéterais plus l’empereur au sujet des investitures, que je ne prononcerais point d’anathème contre lui ; je tiendrai cette promesse. Mais quant à la bulle que j’ai faite par contrainte, sans les conseils de mes frères et sans leur souscription, je déclare qu’elle est entachée d’hérésie, et je demande qu’elle soit corrigée par l’assemblée, afin que ni l’Église ni mon âme n’en souffrent aucun préjudice. » Ensuite Girard, prélat d’Aquitaine, s’étant levé, lut le décret suivant : « Nous tous, Pères de ce saint concile, nous condamnons par l’autorité ecclésiastique et par le jugement du Saint-Esprit le privilége que le roi Henri a arraché au pontife Pascal ; nous le déclarons nul, et défendons sous peine d’excommunication aux clercs et aux laïques de s’y conformer. » Tous répondirent : « Amen, amen ! »

Alors le pape se leva, déposa la tiare et la chape, se déclara indigne du pontificat, et pria le concile de le déposer en lui infligeant la pénitence la plus sévère, pour le punir d’avoir failli devant le glaive d’un roi. L’assemblée refusa de condamner le saint-père, et rejeta tout le blâme sur Henri, qui fut déclaré ennemi de Dieu et de l’Église, et hérétique comme son père ; enfin on prononça l’anathème contre lui et contre ses partisans.

Pascal écrivit aussitôt à Guy, métropolitain de Vienne, légat du saint-siége, pour l’instruire des décisions du synode et pour l’exhorter à les faire exécuter. « Demeurez ferme, ajoutait-il, et résistez aux caresses et aux menaces de l’empereur excommunié ; publiez notre sentence dans toute l’Allemagne, en ayant soin d’éviter qu’on rejette le blâme sur moi, et qu’on ne m’accuse d’avoir trahi les serments prononcés sur l’hostie et sur l’Évangile. Déclarez aux fidèles que les traités faits au camp où j’avais été conduit prisonnier par la plus odieuse des trahisons, sont nuls de plein droit..... »

Guy suivit fidèlement les instructions du saint-père, et fulmina, contre le roi de Germanie un anathème terrible. A sa voix les Saxons se révoltèrent, et les seigneurs ambitieux, se servant du prétexte de l’excommunication, prirent les armes et refusèrent obéissance à l’empereur.

Cependant le pape, désirant conserver les apparences de la justice envers le prince, lui envoya de paternels avertissements ainsi conçus : « La loi divine et les saints canons défendent aux prêtres de s’occuper des affaires séculières, ou d’aller dans les cours des souverains, excepté lorsqu’ils y sont appelés pour délivrer les condamnés ou pour obtenir la grâce des malheureux opprimés. Malgré les défenses de l’Église, dans votre royaume, les ministres de l’autel sont devenus les ministres du trône ; les évêques et les abbés se revêtent, d’une cuirasse et marchent à la tête de leurs hommes d’armes pour dévaster les campagnes, pour piller et pour massacrer les chrétiens. Ils ont des duchés, des marquisats, des provinces, des cités et des châteaux qui appartiennent à l’État. De là est venue la coutume déplorable de ne point sacrer les prélats avant qu’ils aient reçu l’investiture de la main du roi. Ces désordres ont été justement condamnés par les papes Grégoire VII et Urbain II, et nous confirmons le jugement de nos prédécesseurs, ordonnant que les ecclésiastiques vous rendront à vous, notre cher fils, tous les droits royaux qui appartenaient précédemment à l’empire sous les règnes de Charles, de Louis et d’Othon, vos prédécesseurs. Toutefois les Églises avec leurs oblations et leurs domaines, demeureront libres comme vous l’avez promis à Dieu, au jour de votre couronnement. »

Malgré toute l’adresse que le pontife employait pour ne pas se déclarer en hostilité ouverte avec l’empereur d’Allemagne, Henri avait pénétré les desseins de la cour de Rome, et s’était déterminé à passer une seconde fois en Italie.

Pendant les préparatifs de cette expédition, Pascal assemblait un concile à Cépéran pour juger le métropolitain de Bénévent, qui avait excité une sédition contre Landulfe, connétable, que le saint-siége avait envoyé dans cette ville. A l’ouverture du synode, le pape accusa l’archevêque de s’être emparé des régales de Saint-Pierre et des clés de la ville de Bénévent ; d’avoir porté ]e casque et le bouclier, et enfin d’avoir obligé le préfet Foulques à prêter serment aux Normands, qui s’étaient introduits dans la place. Le prélat répondit fièrement qu’il n’avait reçu les régales que pour en verser le produit dans le trésor de Saint-Pierre ; qu’il n’avait jamais eu en son pouvoir les clés de Bénévent, et que l’officier qui les gardait était toujours fidèle à la cour de Rome ; qu’enfin il était faux qu’il eût introduit les Normands dans la ville, et que si Foulques leur avait prêté serment ainsi que le peuple, c’était de leur propre mouvement et non par ses ordres.

Pascal, exaspéré par cette réponse, s’emporta contre l’archevêque et voulut le faire juger comme coupable de haute trahison. En vain le duc Guillaume, le comte Robert, Pierre Léon, et un grand nombre d’évêques, qui assistaient au concile, voulurent implorer la clémence du saint-père pour qu’il ne déshonorât, pas publiquement le chef du clergé de Bénévent ; en vain offrit-il lui-même, quoique innocent, d’aller en exil hors de l’Italie ; Pascal se montra inflexible, et déclara qu’il voulait que le coupable fût jugé et condamné selon toute la rigueur des canons. Les Pères du concile, qui tous redoutaient la colère du pontife, furent obligés de condamner le vénérable prélat, et ils prononcèrent contre