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du trône, il se décida à envoyer un ambassadeur en Italie, avec de fortes sommes d’argent, pour entrer en arrangement avec la cour de Rome. Le prince promettait encore à Pascal de décharger les Églises d’Angleterre du cens que Guillaume le Roux leur avait imposé ; il s’engageait à ne recevoir aucune offrande à titre d’investiture, à ne pas exiger la taxe des curés, et à faire lever régulièrement le denier de Saint-Pierre.

Anselme obtint également la permission de rentrer dans son diocèse de Cantorbéry ; il recouvra tous ses bénéfices et fut déclaré légat a latere du saint-siége. En cette qualité, il reçut, en présence des grands et des évêques du royaume, un décret de Henri, dans lequel il était dit qu’à l’avenir personne en Angleterre ne recevrait l’investiture d’un évêché ou d’une abbaye, par la crosse ou par l’anneau, au nom d’un seigneur ou du roi lui-même. De son côté, Anselme déclara qu’il ne refuserait la consécration à aucun des prélats qui auraient fait hommage à leur souverain. Ensuite on s’occupa de pourvoir d’ecclésiastiques les églises de la Grande-Bretagne, qui étaient presque toutes sans pasteurs depuis plusieurs années. Ainsi finit en Angleterre la querelle des investitures.

Mais en Allemagne la guerre s’était ranimée plus terrible que jamais. Vers la fin du mois de mars 1102, le pape avait convoqué un concile où se trouvèrent réunis les députés de l’Italie, de la France et de la Bavière ; l’empereur de Germanie seul manqua à l’appel qui lui avait été fait pour renouveler sa soumission au saint-siége. Son absence passa pour un crime irrémissible, et les Pères décrétèrent cette formule de serment contre les schismatiques, ou plutôt contre les partisans de ce prince : « Nous anathématisons toute hérésie, principalement celle qui trouble aujourd’hui la chrétienté et qui enseigne qu’on doit mépriser l’anathème et les censures de la cour de Rome. Nous promettons une obéissance illimitée au pape Pascal et à ses successeurs, en présence de Jésus-Christ et de l’Apôtre ; acceptant sans examen tout ce que l’Église affirme, et condamnant ce qu’elle condamne ; promettant de sacrifier pour sa défense richesses, amis, parents, et même notre vie, si nous en sommes requis. » On renouvela l’excommunication prononcée contre Henri IV par Grégoire VII et par Urbain II son successeur. Le pape Pascal monta lui-même sur le jubé de l’église de Latran, le jeudi saint, 3 avril de la même année, et en présence d’une foule innombrable de fidèles de toutes les nations, il rendit la sentence en employant des imprécations bizarres pour imprimer de la terreur aux hommes grossiers de cette époque, qui ne jugeaient de la valeur des choses que par leurs apparences.

Dans cette même assemblée, la comtesse Mathilde accusa le roi de Germanie d’avoir fait enlever par ses agents l’acte de la donation de tous ses biens qu’elle avait souscrit en faveur du saint-siége. Cette femme implacable, après dix-huit années écoulées au milieu des luttes et des combats, voulait encore venger Grégoire VII, son amant, du prince Henri, qu’elle accusait de sa mort. Elle fit une déclaration solennelle dans laquelle, déshéritant à tout jamais sa famille, elle instituait le saint-siége seul et unique légataire de ses immenses domaines.

Nous traduisons cet acte singulier où la comtesse se fait gloire de son titre de concubine : « Au temps de l’illustre pontife Grégoire VII, notre très-aimé et très-cher, celui dont nous étions la plus grande joie, je donnai à l’Église de Saint-Pierre tous mes biens présents et à venir, et j’écrivis de ma main dans la chapelle de Sainte-Croix, au palais de Latran, une charte qui constituait cette donation. Depuis, ce diplôme a été anéanti par les ennemis du saint-siége et par les miens ; aussi, craignant que mes volontés ne soient révoquées en doute après ma mort, je déclare aujourd’hui, avec les formalités usitées en pareil cas, que j’abandonne tous mes biens à l’Église romaine, sans que ni moi ni mes héritiers puissions jamais revenir contre ma présente volonté, sous peine d’une amende de quatre mille livres pesant d’or et de dix mille livres d’argent. »

Pendant que la pontife triomphait en Angleterre et en Italie, il soumettait également la France à son autorité, et il envoyait comme légat, à la cour du roi Philippe, l’évêque d’Albane, qui devait absoudre le prince et l’infâme Bertrade de l’excommunication qu’ils avaient encourue, sous le règne d’Urbain II, au concile de Clermont.

Voici la relation que nous a laissée Ives de Chartres de cette cérémonie, et telle qu’il l’écrivait à Rome : « Nous faisons savoir à Votre Paternité que les prélats de la province de Sens et de celle de Reims, convoqués par Richard, votre légat, se sont assemblés au diocèse d’Orléans, dans une ville appelée Beaugency, pour relever le roi Philippe et Bertrade, sa femme, de l’anathème prononcé contre eux. Les deux coupables se sont présentés dans l’assemblée nu-pieds et couverts de cilices, pleurant et criant merci, et jurant qu’ils renonceraient à toute intimité nuptiale, et même à se parler, si votre légat mettait cette condition à leur absolution. Ensuite ils ont placé leur main sur l’Évangile et ils ont fait le serment, au nom de la sainte Trinité, de ne jamais tomber dans le péché de fornication l’un avec l’autre. Après quoi, l’anathème a été levé.

« Je dois aussi, très-saint Père, vous informer d’une accusation qui a été portée contre moi dans le concile de Baugency, et dont je tiens à me justifier : il est faux que jamais je me sois rendu coupable de simonie ; ce crime est à mes yeux l’une des plaies les plus hideuses de notre clergé, et depuis que je suis évêque je l’ai poursuivi autant qu’il m’a été possible de le faire dans toute l’étendue de ma juridiction. Cependant je dois convenir que, malgré mes recommandations, le doyen, le chantre et d’autres officiers qui sont chanoines de Chartres reçoivent de l’argent des clercs et des laïques ; ils prétendent qu’ils sont dans leur droit et qu’ils suivent les usages de l’Église romaine, où vos camériers et les ministres de votre palais se font donner de riches présents à la consécration des évêques ou des abbés, sous le nom d’offrandes et de bénédictions. Ils affirment que la cour de Rome ne donne rien gratis, et fait payer jusqu’à la plume et au papier. À cela je n’ai pu leur opposer que ces paroles de l’Évangile : « Faites ce que le pape commande et non ce qu’il fait. »

Pascal, dont la politique avait le caractère de perfidie de celle d’Urbain et le caractère de violence de