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Dieu par leurs œuvres, se rendent le scandale des nations, et forgent un réseau d’iniquités pour asservir les hommes. Ce sont des aveugles qui se précipitent dans l’abîme et entraînent avec eux les simples qui les suivent.

« Regardez aussi ces moines, la fourbe et l’hypocrisie s’abritent sous leurs capuces ; le froc couvre tous les vices, la gourmandise, la cupidité, l’avarice, la luxure et la sodomie. Regardez enfin les couvents de nonnes ! la Bête a dressé son lit dans ces dortoirs dont toutes les couches sont maculées des plus horribles débauches. Ce n’est plus la Vierge que ces filles abominables prennent pour modèle ; c’est Phryné et Messaline : ce n’est plus devant le Christ qu’elles se prosternent, c’est devant une idole de Priape. Le règne de Dieu est fini, et celui de l’Antechrist a commencé : un droit nouveau a remplacé l’ancien droit ; la théologie scolastique est sortie du fond de l’enfer pour étouffer la religion ; enfin il n’y a plus ni morale, ni dogme, ni culte, et voici venir le dernier temps annoncé par l’Apocalypse ! !… »

Pascal II était digne d’occuper le trône apostolique à cette époque déplorable ; avant d’être pape il se nommait Rainerius ou Reginerus ; l’Italie était sa patrie, et son père habitait Blède en Toscane, à huit lieues de Rome. Dans son enfance on l’avait envoyé pour s’instruire des saintes Écritures, à l’abbaye de Cluny, où plus tard il avait embrassé l’état ecclésiastique. À l’âge de vingt ans, il fut chargé par sa communauté de se rendre à Rome pour traiter une affaire importante avec le pape ; Grégoire VII, qui régnait alors, surpris de l’adresse et de la ténacité du jeune moine, voulut le retenir à sa cour et se l’attacha en qualité de scribe ; quelque temps après il l’ordonna prêtre cardinal ; enfin le jeune Rainerius devint abbé de la riche abbaye de Saint-Paul sous le pontificat d’Urbain II.

Après la mort de ce pape, les cardinaux, les évêques, les autres ecclésiastiques et les notables de la ville s’étant assemblés dans la basilique de Saint-Clément pour procéder à une nouvelle élection, choisirent d’un accord unanime le cardinal Rainerius. Celui-ci, selon l’habitude des successeurs de l’apôtre, s’échappa aussitôt de l’église pour se faire ramener en triomphe dans rassemblée. Le protonotaire de Saint-Pierre cria à trois fois différentes : « Pascal est pape ! » et les assistants répondirent par les mêmes acclamations. Ensuite on le revêtit de la cape d’écarlate, de la tiare, et on le conduisit à cheval jusqu’à la porte méridionale du palais de Latran.

Alors il mit pied à terre, monta les degrés du parvis, et fit son entrée dans la salle où se trouvaient les deux sièges de porphyre ; on lui attacha autour du corps une ceinture à laquelle étaient suspendues sept clés et sept sceaux, qui indiquaient les sept dons spirituels par lesquels le pape peut lier ou délier sur la terre et dans le ciel. On le plaça alternativement et à demi couché sur chacun des siéges, pour montrer publiquement les indices de sa virilité ; lorsque toutes les épreuves eurent été remplies, on lui donna le bâton pastoral, et il prit possession du trône apostolique. Le lendemain, Pascal fut sacré par Odon, évêque d’Ostie, assisté des prélats d’Albane, de Lavici, de Nepi et de Préneste.

Berthold affirme que cette élection lut miraculeuse et divine, et qu’elle avait été révélée dans plusieurs visions à un grand nombre d’ecclésiastiques, de religieuses et de moines.

Quelques mois après son élection, le saint-père reçut de la Palestine une lettre qui était adressée à tous les fidèles, et dans laquelle les croisés faisaient un récit détaillé de leurs conquêtes, depuis la prise de Nicée jusqu’à celle de Jérusalem. Pascal leur écrivit une longue épître où il s’étend principalement sur la découverte de la sainte lance qui avait percé le Sauveur, et qu’on avait trouvée miraculeusement au siège d’Antioche ; il réclamait de leur piété le don de plusieurs reliques très-précieuses et d’une grande partie de la vraie croix, qu’on avait déterrée à Jérusalem ; il les prévenait également du départ du légat Maurice, évêque de Porto, qui devait les rejoindre muni des pouvoirs nécessaires pour régler les intérêts du saint-siége dans les Églises qui avaient été conquises sur les infidèles.

Dès le commencement de son pontificat, Pascal entreprit de continuer la politique de ses prédécesseurs, et de poursuivre Henri IV, roi de Germanie, et l’antipape Guibert, créature de ce monarque ; ce qu’il put faire avec d’autant plus de succès, qu’il se trouvait appuyé par le comte Roger, qui lui avait envoyé sept mille onces d’or et une armée bien aguerrie, en échange de la souveraineté spirituelle et temporelle de la Sicile.

Bientôt l’antipape fut assiégé dans la ville d’Albane, sa résidence ; et il allait tomber au pouvoir de son compétiteur lorsqu’il parvint à s’échapper ; mais dans sa fuite, l’infortuné Guibert fut empoisonné par l’un de ses domestiques, gagné par l’or de Pascal.

La mort de Guibert ne put néanmoins abattre les schismatiques, et ils élurent un nouveau pontife appelé Albert. Mais la trahison vint encore au secours de Pascal ; l’antipape fut enlevé le jour même de son élection, et enfermé dans les cachots du monastère de Saint-Laurent. Le roi Henri fit nommer le prêtre Théodoric pour remplacer Albert : trois mois après sa consécration, le nouvel antipape fut également enlevé par les agents du saint-siége et enfermé à l’abbaye de Lave. Les obstinés schismatiques élurent encore le prêtre Maginulfe, qui parvint à se soutenir quelques jours ; Pascal le fit chasser de Rome par ses séides ; l’infortuné mourut en exil.

Enfin la paix paraissait rendue à l’Église et à l’Italie sous le gouvernement de Conrad, lorsqu’une mort subite enleva ce jeune prince. Cet événement malheureux devint le signal de nouveaux désordres : Pascal fit publier que Conrad avait été empoisonné par son père ; il excita le peuple à venger le martyr, et ordonna aux citoyens de prendre les armes ; mais cette nouvelle sédition fut promptement étouffée par le roi de Germanie ; et Pascal fut contraint de lui écrire pour le supplier de rendre la paix à l’Église en assistant au concile qu’il avait convoqué à Rome.

À cette époque, l’Angleterre était en proie à de violentes dissensions qui avaient été soulevées par l’archevêque Anselme au sujet des investitures. Ce prélat, dévoué au saint-siége, avait excité ces querelles pour se venger du roi Guillaume le Roux, qui s’était refusé à reconnaître Urbain II comme légitime