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— Puisque c’est vous qui l’avez découvert ce port, Mlle de St-Éloi, dit Hugues, je propose que nous le nommions le Port Lucie.

Tous applaudirent.

Au pied du Mont Roxane il y avait des arbres magnifiques, qu’on eût dit placés à distance régulière par la main de l’homme.

— C’est un vrai parc ! dit le Docteur Philibert, en désignant les arbres…

— Que nous nommerons le Parc Philibert, répondit Hugues.

Encore une fois tous applaudirent.

— Quand vous nous aurez quittés, mes amis, dit Hugues, Armand et moi nous aimerons à passer par le Parc Philibert avant de franchir le Mont Roxane du sommet duquel nous aurons vue sur le Port Lucie.

Ce soir-là, on se coucha de bonne heure sur l’Île Rita, car le lendemain se construirait la maison de Hugues et d’Armand ; tous voulaient aider à la construction et prêter main-forte, si possible.


CHAPITRE XXIII

MAISON-BLANCHE


Il était à peine quatre heures, le lendemain matin, quand Hugues et Armand, aidés du Docteur Philibert, de Célestin, de Mathurin et même de Souple-Échine, se mirent à l’œuvre.

Douze excavations profondes furent d’abord creusées, au sommet d’une petite éminence. Dans ces excavations on enfonça de longs et forts poteaux, qui serviraient de fondations à la maison.

Le site avait été choisi par Roxane et vraiment, on ne pouvait désirer mieux. Quand la construction serait achevée, elle dominerait un riant paysage et on parviendrait à la maison à travers une véritable forêt de pommiers. Des fenêtres de leur demeure, Hugues et Armand apercevraient le lac des Cris. Plus d’un citadin eut été enthousiasmé à la pensée de vivre en un tel lieu.

Lorsque, vers les sept heures, Mme Dussol, Roxane, Lucie et Rita quittèrent la maison de Mathurin, où elles avaient passé la nuit, elles purent constater que la construction était déjà fort avancée. La façade était entièrement finie, l’encadrement de la porte était fait et deux des châssis étaient posés. Le Docteur Philibert travaillait du côté ouest avec Célestin, Hugues, du côté est avec Mathurin, tandis qu’Armand commençait à faire le toit, Souple-Échine lui aidant en lui apportant les clous, le marteau etc. Vraiment, du train qu’on y allait, la maison serait achevée bien avant le coucher du soleil ; Hugues, Armand, le Docteur Philibert, Célestin et Souple-Échine pourraient passer la nuit prochaine dans la nouvelle demeure. La maison n’aurait qu’un seul étage ; on n’avait nul besoin de « gratte-ciel » sur l’Île Rita, car le terrain ne faisait pas défaut.

Ainsi qu’on l’avait prévu, la nouvelle maison était presqu’entièrement terminée et blanchie à la chaux vers les six heures du soir. Elle était longue et large et était divisée à l’intérieur, en quatre parties égales.

Les travailleurs déposèrent leurs outils, puis ils se firent un brin de toilette, pour le souper, qui fut servi dans la « salle » de la nouvelle demeure et mangé avec grand appétit.

Après le souper, tous sortirent sur la « terrasse », et soudain, Hugues dit :

— Il faut donner un nom à notre maison… Comment la nommerons-nous, Roxane ?

— Est-ce que vraiment vous désirez que ce soit moi qui nomme votre maison, Hugues ?

— Oui ! Oui ! s’écrièrent-ils tous.

— Nous savons d’avance que vous lui donnerez un beau nom, Mlle Monthy, à cette confortable maison qui, blanchie à la chaux ainsi, se détache… agréablement sur le fond vert des arbres, dit le Docteur Philibert.

— Eh ! bien, fit Roxane, si Mme Dussol le permet, nous donnerons son nom à la nouvelle demeure ; nous la nommerons : « Maison-Blanche ».

— On ne pourrait trouver mieux ! Maison-Blanche… Ô chère Mme Dussol, vous allez accepter de devenir marraine, n’est-ce pas ? s’exclama Lucie.

— J’accepte avec un bien grand plaisir ! répondit la mère d’Armand.

— Combien nous allons l’aimer notre demeure, tante Blanche, maintenant qu’elle porte votre nom ! N’est-ce pas, Armand ? dit Hugues.

— Certes, oui ! répliqua Armand, en jetant sur sa mère un regard de tendresse, que celle-ci lui rendit avec joie.

Qu’on était heureux sur l’île Rita ce soir-là ; cependant, tous avaient le cœur gros à la pensée de se séparer le lendemain ! Chacun se disait, in petto que le lendemain, à cette même heure, chacun aurait réintégré son domicile : Roxane, Lucie et Rita seraient aux Barrières-de-Péage, Mme Dussol serait de retour aux Peupliers, le Docteur Philibert au Valgai, accompagné de Souple-Échine… Cette excursion sur l’île ce serait bientôt comme un rêve, un bien doux rêve !…

Puis Hugues et Armand seraient seuls sur l’Île Rita, séparés de celles qu’ils aimaient, séparés, en quelque sorte, du reste de l’univers. Le souvenir de leurs bien-aimées leur resterait pourtant, et aussi l’espoir de les revoir, dans un lointain avenir…

Rita s’était endormie dans les bras de Mme Dussol, et tandis que cette dernière et le Docteur Philibert causaient ensemble, Hugues et Roxane, Armand et Lucie s’éloignèrent, dans la direction du Parc Philibert. Quand, au bout d’une heure, ils revinrent, il était de toute évidence que les deux jeunes filles avaient pleuré, tandis que les deux jeunes gens avaient un air très grave.

Mme Dussol soupira. Ce qu’elle craignait tant arrivait : Armand aimait Lucie et Lucie lui rendait amour pour amour ; elle en était certaine, car, sur l’annulaire de sa main gauche, la jeune fille portait une petite bague surmontée d’une émeraude, que Mme Dussol avait vue au doigt de son fils depuis plusieurs années. En retour, Armand portait une bague surmontée d’un rubis, qui avait appartenu à Lucie.

Mme Dussol résolut soudain de parler à la jeune fille et lui faire entendre raison, si possible, et, ce soir-là, alors qu’elles se trou-