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NÉMOVILLE

Je ne l’avais pas revu depuis la mort de sa mère. Il ne m’avait jamais inspiré une grande sympathie, parce qu’il était cruel et sot ; mais en le revoyant jeune homme, fat, commun, arrogant, j’éprouvai pour lui une véritable répulsion. Le malheur voulut qu’il s’éprît de moi et qu’il me demandât en mariage. Comme vous le devinez, sans doute, je le refusai. Mais sans s’inquiéter de mon refus, son père et lui fixèrent la date de notre mariage, et m’avertirent que j’avais à me soumettre. On avait choisi la date du vingt-quatre octobre. Je ne vous ferai pas le récit de tout ce que j’eus à souffrir durant ces jours que je passai sous le toit du capitaine Laurent, après l’arrivée de Pierre. Le vingt-trois, la veille de la date fixée pour notre mariage, Pierre rassembla ses amis pour « enterrer sa vie de garçon », comme il disait. De ma cabine j’entendais les chants et les propos de ces misérables, et je pouvais pour ainsi dire, suivre les phases de leur ivresse car c’était une orgie peu ordinaire que cet « enterrement », je vous assure. Vers deux heures du matin, je n’entendis plus rien, et j’en conclus que tous étaient ivres et dormaient. À pas de loup, je sortis de ma cabine, et m’avançai jusqu’à la porte du salon. J’écoutai et entr’ouvris la porte. Je ne m’étais pas trompée, Pierre et ses invités cu-