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LE BRACELET DE FER

jaillit de sa bouche, puis il retira sa main de l’une des poches du manteau ; elle contenait un pendentif de diamants et de rubis.

— Ah ! fit Judith.

— Il y a quelque chose de… d’étrange en ceci, assurément ! s’écria Paul Fiermont. Tous ici, nous connaissons l’Oiseau Bleu et…

— On ne peut nier l’évidence ! cria Judith Rouvain. Eh ! bien, Mademoiselle la chanteuse, qu’avez-vous à dire ?

Instinctivement, Albert Delherbe, Joe Le Mouet et Jean Courville s’étaient approchés de Nilka et de Paul, comme pour protéger, eux aussi, la jeune fille.

— Voleuse ! cria Judith. Je ne sais ce qui me retient de vous faire arrêter et conduire en prison ! dit-elle, en s’adressant à Nilka.

— Non ! Non ! Je… Je suis… innocente ! balbutia la jeune accusée, dont le visage et même les lèvres étaient comme de la cire, et dont les yeux étaient remplis de frayeur.

Sans même s’en rendre compte, elle s’était cramponnée au bras de Paul, tandis que ses grands yeux bleus semblaient implorer le secours de tous.

— Je… Je suis… innocente… murmura-t-elle de nouveau.

— Nous en sommes fermement convaincus ! crièrent au moins vingt voix.

— Pourtant, le pendantif… commença Judith.

À ce moment, Estelle Delherbe parvint à fendre la foule entourant Nilka, et, s’adressant à Judith, elle s’exclama :

— Misérable ! Méprisable créature !

— Que signifie ? balbutia Judith.

— Ce que cela signifie ?… Cela signifie, Judith Rouvain, que je vous ai vue, oui, vue, de mes yeux vue, mettre ce pendentif dans la poche de manteau de l’Oiseau Bleu… J’étais là, dans cette alcôve, et, je le répète, je vous ai vue ! Mesdames et Messieurs, continua-t-elle, c’est lorsque nous sommes arrivées, il y a à peu près une heure, Mlle Rouvain et moi étions seules dans cette pièce… Elle ne m’a pas vue ; mais, je l’ai vue, moi !

— C’est ridicule ce que vous venez de dire, Estelle Delherbe ! s’écria Judith. Si j’avais, comme vous venez de l’affirmer, mis mon pendentif dans la poche de manteau de la chanteuse, vous n’auriez pas manqué de m’accuser hautement…

— Ah ! mais, j’étais si loin de me douter de votre sinistre projet ! fit Estelle. De fait, je croyais que le manteau vous appartenait, je le répète donc, vous êtes une misérable, Judith Rouvain !

— Je… Je… balbutia Judith.

Mais, son frère l’entraînait hâtivement hors de la pièce. Silencieusement, tous se reculèrent pour la laisser passer, et même, les dames et jeunes files ramenèrent leurs jupes de robes autour d’elles, comme prises de peur d’être contaminées au contact de la calomniatrice.

— Mes amis… murmura Nilka, aussitôt que Judith et son frère eurent quitté la pièce, merci ! Oh ! merci ! Des larmes inondaient ses joues pâlies.

— Vive l’Oiseau Bleu ! crièrent-ils tous. Vive, vive l’Oiseau Bleu !

Puis tous, excepté Estelle Delherbe et son frère, Paul Fiermont, Joe Le Mouet et Renée, sa sœur, qui, elle aussi s’était joint au groupe des amis de Nilka, quittèrent le vestiaire.

— Gentil Oiseau Bleu, dit Estelle, en saisissant la main de la jeune fille, voulez-vous, nous serons amies, vous et moi ?

— Moi aussi, je veux être votre amie ! fit Renée Le Mouet, en s’adressant à Nilka.

De nouveau, des larmes coulèrent sur les joues de la jeune chanteuse.

— Vous êtes infiniment bonnes, toutes deux ! répondit-elle, d’une voix tremblante. Sans votre intervention, Mademoiselle, ajouta-t-elle, en s’adressant à Estelle, je… je…

— Je tiens à être votre amie, répéta Estelle, et Mlle Le Mouet, ma compagne, y tient, elle aussi. Vous n’y avez pas d’objections n’est-ce pas, petit Oiseau Bleu ?

— Mais… Mais, Mesdemoiselles, vous ne sauriez devenir les amies de la chanteuse de cabaret…

— Qu’est-ce que cela nous fait, je vous le demande ! dit Renée. Nous savons que vous en valez bien d’autres, d’autres jeunes filles de notre condition, je veux dire. Soyons amies !

— Et d’abord, dites-nous votre nom bel Oiseau Bleu, demanda Estelle.

— Je me nomme Nilka Lhorians.

— Nilka Lhorians ! Quel joli nom ! dirent, ensemble, Estelle et Renée.

— Moi, je me nomme Estelle Delherbe.

— Et moi, Renée Le Mouet.

— Vous acceptez notre amitié, n’est-ce pas, Nilka ? demanda Estelle.

— Si je l’accepte !… Oh ! merci ! Merci… Estelle et Renée !

Ce soir-là, l’Oiseau Bleu eut toute une escorte pour la reconduire chez elle : Estelle, Renée, Paul, Albert et Joe.

Lorsqu’on se sépara, à la porte du magasin de l’horloger, il était entendu que l’on se reverrait, dans un tout prochain avenir.

— Au revoir, Nilka !

— Au revoir, Estelle !

— À bientôt, Nilka !

— À bientôt, Renée !

— Bonsoir et bonne nuit, Mlle Lhorians ! dirent, ensemble, les trois jeunes gens.

— Bonsoir et bonne nuit, Messieurs ! Et, encore une fois, mille fois merci à tous !

Chapitre IX

NILKA ANNONCE UNE NOUVELLE


Près d’un mois s’écoula avant que Paul revit Nilka.

Mais, un dimanche, en sortant de la Basilique, où il avait assisté à la messe, il l’aperçut ; elle marchait, à quelques pas seulement en avant de lui. Il s’empressa d’aller lui parler.

Mlle Lhorians ! fit-il. Quel plaisir de vous revoir !

Elle eut l’air très surprise, même, elle rougit un peu en apercevant le jeune homme.

M. Laventurier !… Je ne m’attendais pas de vous voir, répondit-elle. Je croyais que vous aviez quitté Québec.