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LE BRACELET DE FER

— Vous avez raison, M. Lhorians, répondit Paul, pour dire quelque chose. Et maintenant, ajouta-t-il, pour les Fêtes de Noël et du Jour de l’An, rendez-vous à tous ici présents, au « château », n’est-ce pas ?

— Nous serons tous au rendez-vous, Paul, assura le Notaire Schrybe.

Toute la veillée se passa à faire des projets pour l’avenir ; projets qui, à l’encontre de tant d’autres, élaborés avec tant de soin pourtant, devaient se réaliser, de point en point.

— Maintenant, fit Mme Fiermont, puisque nous devons être sur pied de bonne heure, demain matin, je propose que nous nous retirions pour la nuit.

Aussitôt, tous se levèrent. On échangea des bonsoirs, et chacun se retira dans sa chambre.

Mme Fiermont partageait la chambre de Nilka, car elle avait cédé la sienne à M. et Mme Schrybe. Estelle et Renée occupaient la chambre de Koulina, et cette dernière couchait sur un des bancs de l’arrière-pont. Paul coucherait dans la cabine No 6, à côté de celle qu’occupait Joël.

Quand notre jeune ami fut rendu sur le deuxième pont, ce soir-là, et au moment où il allait pénétrer dans sa cabine, il fut fort étonné d’entendre Joël lui demander :

— Monsieur, me permettez-vous de vous dire quelques mots ?

— Mais, certainement, mon bon Joël, répondit Paul, en prenant place sur un banc près de l’établi du domestique.

— Monsieur, reprit Joël, je vous le demande, en grâce, dites-moi, d’où vous vient ce bracelet de fer que vous portez à votre poignet gauche !

— Ah !… Cela vous inquiète, Joël ? fit Paul, en souriant. Il n’y a rien qui doive vous inquiéter pourtant, je vous l’assure.

— Monsieur, dit le domestique, dont les joues venaient de s’inonder de larmes, vous allez épouser, demain, un ange d’innocence et de bonté… Or, ce bracelet de fer…

— Écoutez, Joël, je vais vous expliquer tout ; voici.

Et Paul raconta au domestique la raison de son arrestation, certain jour, dans un wigwam, sur les bords du lac Huron. Accusé injustement du meurtre d’un chef sauvage, il avait parcouru les dunes, prisonnier d’un policier du nom de Peter Flax. Il parla de l’horreur qu’il avait ressentie en constatant que le policier était atteint des fièvres des dunes ; qu’il en mourrait peut-être, et que lui, Paul, serait attaché à un cadavre par une chaîne de menottes. Il raconta comment il était parvenu à limer cette chaîne, tout près de son propre poignet. Paul parla ensuite du décès de Peter Flax et de qui s’en était suivi. Tout cela s’était passé il y avait deux ans.

— Alors, Monsieur, fit Joël, au comble de l’étonnement, comment se fait-il que vous ne vous soyez pas encore débarrassé de ce bracelet de fer ?… Car je vois qu’il… orne encore votre poignet gauche.

— Ma foi, je n’en sais rien, Joël ! répondit Paul, avec un rire assez insouciant. Je me suis acheté une lime, et j’ai essayé de limer ce bracelet, mais j’ai trouvé que c’était un travail si long, si difficile, que j’ai dû y renoncer.

— Un travail long, difficile, dites-vous, Monsieur ? s’écria Joël. Mais en quelques coups de lime…

— Me rendriez-vous le grand service de me débarrasser de cet… ornement, Joël ? demanda le jeune homme, en tendant son bras gauche au domestique.

— Dans dix minutes, ce sera fait !

 

Mme Fiermont et Nilka étaient à causer tout bas, dans leur cabine, quand elles entendirent, soudain, un petit bruit métallique.

— Qu’est-ce que cela ? demanda Mme Fiermont à la jeune file.

— C’est probablement Joël, qui a laissé choir un de ses outils, répondit Nilka.

Mais elle se trompait : ce bruit métallique que la mère et la fiancée venaient d’entendre, c’était celui qu’avait fait, en tombant sur le plancher du deuxième pont, aux pieds de Paul Fiermont, le bracelet de fer.


FIN DE LA QUATRIÈME ET DERNIÈRE PARTIE.