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la gardienne du phare

Depuis plusieurs semaines qu’elle languit dans sa prison, voyant sans cesse devant ses yeux la date du deux juin, jour auquel elle subira un supplice infamant.

Il est huit heures moins dix minutes du soir. La porte du cachot de Claire s’ouvre et elle entend la voix du geôlier dire à une personne qu’il laisse entrer :

« Dix minutes seulement ! À huit heures, il faudra partir. »

Claire se lève de son lit, où elle s’était jetée toute habillée, puis un cri lui échappe :

« Hermance !… Oh ! pauvre vieille Hermance, pourquoi êtes-vous venue ici ? »

— « Je suis ici pour vous sauver. Mademoiselle », répondit-elle simplement. « Dépêchons-nous ! »

— « Me sauver ! » s’écria Claire. « Hélas, c’est impossible ! »

— « Vite, ma bonne Demoiselle, revêtez ce déguisement Nous n’avons que dix minutes à nous et trois de ces précieuses minutes sont déjà écoulées. »

Hermance ôta son manteau, surmonté d’un capuchon et le jeta sur les épaules de Claire ; mais Claire hésita.

« Vous serez emprisonnée à ma place, Hermance, quand on s’apercevra que vous m’avez aidée. »

— « Non, non, faites ce que je vous dis. Hâtons-nous ! Mettez cette perruque blanche, rabattez le capuchon sur vos yeux. Enveloppez le bas de votre visage dans ce foulard… Bien ! Dans ce panier, il y a un autre déguisement : un costume de matelot… et tâchez de trouver à vous engager sur un bateau en partance… Les ciseaux que j’ai mis dans le panier, vous vous en servirez pour couper vos cheveux… c’est dommage, ils sont si beaux !…

« Maintenant, attachez-moi à votre lit avec ce tablier… Avec ce mouchoir, bâillonnez-moi ; on croira que vous m’avez prise de force. Ne craignez rien pour moi ; aussitôt que je serai sortie d’ici, je ferai mettre cette annonce dans un journal : « O. K… H. » et vous comprendrez que tout s’est bien passé. »