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L’OMBRE DU BEFFROI

— Marcelle ! Marcelle ! s’exclama-t-elle, M. Fauvet vient de nous dire… La dot, tu sais…

— Chère Dolorès ! répondit Marcelle. N’es-tu pas ma sœur ?… Mais, venez tous ; il est déjà cinq heures et quart, et on demande la fiancée à grands cris, ajouta-t-elle, en riant.

— Je suis de l’opinion de mon ami de Bienencour, Mlle  Marcelle, dit Gaston, en souriant : vous êtes un ange.

C’est au bras de Henri Fauvet que Dolorès fit son entrée dans le salon. Tous vinrent à sa rencontre ; n’était elle pas l’héroïne de la fête ?

Yolande se mit au piano et joua une marche triomphale, puis la porte du salon s’ouvrit et V. P. annonça ;

— Le Révérend Père Lamaître !

Ce fut une grande et agréable surprise ! Le père Lamaître, qui demeurait à C…, avait été invité par Henri Fauvet, sans que celui-ci en eut soufflé mot à qui que ce fut.

La présence du prêtre donnait aux fiançailles un caractère de solennité ; c’est lui qui bénit les fiancés, il bénit aussi l’anneau de fiançailles que Gaston passa au doigt de Dolorès, en la présence de tous.

Après cette courte mais impressionnante cérémonie, Dolorès fut conduite à l’une des extrémités du salon où, installés artistement sur une table, étaient les cadeaux de chacun. Oui, tous avaient voulu offrir à la fiancée un souvenir de ce beau jour : Henri Fauvet, Mme  de Bienencour, le Docteur et Mme  Carrol, Marcelle, Olga, Wanda, Yolande, Jeannine, Gaétan, Raymond, Karl, Fred, Réal et Léon.

Des larmes coulaient sur les joues de Dolorès, qui ne pouvait que balbutier :

— Merci, mes amis ! Ô mes amis, merci !

Le banquet, présidé par le Révérend Père Lamaître, fut splendide. Mme  Emmanuel s’était vraiment surpassée, en cette occasion, dans la confection des mets abondants, succulents, délicats et exquis.

On demanda au prêtre d’adresser la parole, ce qu’il fit, sans se faire prier, et comme il était très éloquent et qu’il possédait un tour d’esprit fort original, son discours fut grandement applaudi et apprécié de tous.

Après le banquet, il y eut un peu de musique et de chant. À neuf heures, le Père Lemaître dit adieu à tous et retourna à C…

— Marcelle, murmura Gaétan, au moment où chacun se retirait pour la nuit, à quand notre tour ?… Quand me donnerez-vous le droit de vous appeler ma fiancée devant le monde entier ?

— Je ne sais… répondit Marcelle, rougissant et baissant les yeux.

— Chère bien-aimée, me permettez-vous de parler à votre père bientôt ?

Marcelle ouvrait la bouche pour répondre, quand Iris Claudier dit, tout près d’elle :

Mlle  Fauvet, Mme  de Bienencour demande que vous vous rendiez dans sa chambre, avant de vous retirer pour la nuit ; elle désire vous parler.

— Bien, Mlle  Claudier, j’y vais, répondit Marcelle. Bonne nuit, M. de Biennencour, ajouta-t-elle, en tendant la main à Gaétan.

— Quand reprendrons-nous cette conversation. Marcelle, belle Étoile du Nord ? demanda le jeune homme. Demain ?…

— Oui, demain, répondit-elle, en souriant.

Demain ?… Il ne ment que rarement pourtant le proverbe qui dit : « Ne remettez jamais au lendemain ce que vous pouvez faire le jour même ».


FIN DE LA TROISIÈME PARTIE


QUATRIÈME PARTIE


LE DOMAINE DU MYSTÈRE


CHAPITRE I

UN CRI DANS LA NUIT


Tout et tous dormaient, au Beffroi.

Afin d’accommoder tant de monde, Gaétan, Raymond, Gaston, Réal, Léon, Karl et Fred occupaient les cellules du dernier étage, qui avaient servi de dortoir, jadis, aux moines de l’abbaye. Henri Fauvet avait gardé sa chambre, Marcelle et Dolorès aussi, les autres pièces du deuxième étage étaient réservées à Mme  de Bienencour et aux jeunes filles.

Il pouvait être deux heures du matin, quand tous furent tirés brusquement de leur sommeil par un cri d’indicible frayeur, venant de la chambre de Marcelle. Aussitôt, tous furent debout. Henri Fauvet, Mme  de Bienencour, Dolorès et les autres jeunes filles coururent vers la chambre d’où leur était parvenu le cri.

À l’étage supérieur, on eut pu entendre des piétinements, indiquant que les jeunes gens se faisaient une toilette hâtive, afin d’aller rejoindre les dames, en bas.

Ce furent Henri Fauvet et Mme  de Bienencour qui, les premiers, arrivèrent dans la chambre de Marcelle.

— Elle s’est évanouie ! cria Henri Fauvet, en désignant sa fille qui, pâle comme une morte, ne faisait pas un seul mouvement.

— Quelque chose l’a grandement effrayée, ou bien, elle a eu le cauchemar dit Mme  de Bienencour, en humectant d’un peu d’eau fraîche les lèvres de sa filleule.

— Marcelle ! Marcelle ! s’exclama Henri Fauvet.

— Elle reprend connaissance ! dit Mme  de Bienencour. Ça va mieux, mes enfants, ajouta-t-elle, en s’adressant aux jeunes filles, qui se tenaient sur le seuil de la porte.

— Je vais la transporter dans le corridor, dit Henri Fauvet ; elle aura plus d’air ainsi. V. P. reprit-il, ouvre grandes les fenêtres !

— Oui, M. Henri, répondit le domestique. Mon Dieu, pauvre chère Mademoiselle Marcelle !

Marcelle, enveloppée, d’une couverture, fut transportée dans le corridor et laissée aux soins de son père et de sa marraine.

— Qu’y a-t-il ?… Mlle  Marcelle… c’est elle qui a crié ! fit Gaétan accourant au-devant de Henri Fauvet.

— Oui, M. de Bienencour, c’est Marcelle qui a crié, répondit Henri Fauvet. La pauvre enfant a dû être effrayée de quelque chose, ou bien elle a rêvé.