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L’HOMME DE LA MAISON GRISE

et qui nous regardent avec une évidente surprise.

— Que m’importe ! cria Yvon, en haussant les épaules. Mais, vous allez m’expliquer vos insinuations de tout à l’heure, entendez-vous !

— Je n’ai pas voulu insinuer quoique ce soit contre le caractère de Mlle Villemont, croyez-le… Cependant, il y a certaines choses que je pourrais vous dire… certains faits dont je pourrais vous entretenir, qui vous feraient peut-être changer de ton… Un de ces jours, je vous mettrai au courant de… des derniers événements et vous…

— Allez au diable ! fit Yvon, qui partit, presque courant, dans la direction de son bureau.

Tout l’après-midi, il travailla machinalement et vers les cinq heures, il ferma son bureau, car il voulait revoir Annette. Il y était décidé ; il la demanderait en mariage, ce jour-là même, et ils se marieraient immédiatement ; alors, il aurait le droit de la protéger.

Mais il arriva trop tard au rendez-vous ; pour une raison ou pour une autre, Annette était déjà partie, et le lendemain, elle ne vint pas à la ville.

Après le souper, alors qu’il s’était retiré dans sa chambre et qu’il essayait de lire, Mme Francœur vint lui annoncer que quelqu’un était dans le salon, en bas, et demandait à lui parler.

— Qui est-il ? dit-il.

— Je ne sais pas, M. Ducastel. Un étranger… Du moins, c’est la première fois que je le vois ce monsieur.

— Je vais descendre.

En pénétrant dans le salon, Yvon eut une exclamation d’étonnement et de colère, puis, serrant les poings, il s’élança vers son visiteur, avec l’évidente intention de le frapper… Car, celui qui avait osé venir le relancer chez lui, c’était Patrice Broussailles.


Chapitre XI

ON DIT…


— Vous êtes surpris de me voir, n’est-ce pas, Ducastel ?… Charmé aussi, j’en suis certain ? demanda, en riant Patrice Broussailles.

— Que venez-vous faire ici ? Que me voulez-vous ?

— Je viens vous entretenir sur un sujet fort intéressant, répondit Patrice, avec un sourire assez énigmatique. Ce que j’ai à vous dire est d’une nature privée, très privée… C’est… C’est à propos de… qui vous savez…

— Je refuse de prêter l’oreille à… une série de calomnies, sans doute !

— Non ! Non ! Je vous jure que j’ai à vous parler de choses vraies et qui ont leur importance.

— Alors, montons dans ma chambre ; nous serons mieux là qu’ici, pour causer.

— Suivez-moi, fit Yvon, que l’air sérieux de son visiteur commençait à intriguer et inquiéter beaucoup.

— Je vous suis.

Un sourire méchant crispait les lèvres du « professeur » Broussailles ; il allait faire une peine horrible à Yvon Ducastel, qu’il avait toujours détesté ; il allait lui briser le cœur probablement. Quoi de plus doux à l’âme de l’ex-garçon-à-tout-faire ?

— Quelle est donc cette chose si importante que vous avez à me communiquer ? demanda Yvon, aussitôt qu’ils furent installés dans sa chambre. Mais, ajouta-t-il, d’une voix de tonnerre et en ébauchant un geste menaçant, je vous en avertis d’avance, surveillez vos paroles, lorsque vous parlerez de Mlle Villemont (car je présume que c’est de cette jeune fille que vous allez m’entretenir} ? Je le répète, faites attention à ce que vous allez dire, sinon, je vous flanque à la porte de cette maison !

— Si vous vous mettez en colère avant que j’aie ouvert la bouche…

— Dites ce que vous êtes venu me dire… Je vous écoute…

— Tout d’abord, vous avez dû remarquer que Mlle Villemont ne vient plus régulièrement à la ville, comme jadis ?

— Peut-être… Après ?

— Bien sûr que vous vous êtes demandé, plus d’une fois, ce qui la retenait… chez elle ainsi ?

— Sans doute, je me le suis demandé. Mais, bien des choses peuvent la retenir chez elle ; le besoin de repos, ou bien quelqu’indisposition de son grand-père… Que sais-je ?