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L’HOMME DE LA MAISON GRISE

vous, Annette, que je n’aime pas à avoir de secrets pour lui… En lui cachant nos rencontres…

— Je ne sais trop que vous répondre… Yvon, fit-elle, hésitant et rougissant un peu en prononçant le petit nom de son ami.

— Répondez « oui », et laissez-moi vous le présenter ! N’aimeriez-vous pas avoir deux amis dévoués, au lieu d’un seul ? M. Jacques serait pour vous un ami idéal, oui idéal, Annette. Consentez, je vous prie !

— Je vais laisser cela à votre discrétion, M. Yvon, répondit-elle en souriant. Si vous jugez à propos de parler de moi à M. Jacques, fort bien ! Vous êtes libre de le faire, car je suis certaine d’une chose ; c’est que vous ne feriez rien qui pourrait m’attirer des désagréments… de la part de grand-père, je veux dire.

— Je réponds de la discrétion de M. Jacques comme de la mienne, dit Yvon. Je lui parlerai de vous et, je le prédis, bientôt, vous aussi, vous l’aimerez comme un père ; il est si bon, si bon M. Jacques, Annette !

— Faites ainsi qu’il vous plaira alors, fit la jeune fille ; je le répète, j’ai entièrement confiance en vous.

— Merci, ma petite amie, merci ! Cependant, malgré la permission accordée, ce ne fut que deux jours plus tard qu’Yvon entretint son ami de la jeune aveugle ; ne voulant pas prendre celle-ci trop au mot, il lui avait donné le temps de revenir sur sa décision, si elle le jugeait à propos.

Mais ayant revu Annette et ayant constaté qu’elle n’avait réellement aucune objection à ce que Lionel Jacques apprit de son existence, notre jeune ami résolut de profiter de la permission accordée, le plus tôt possible.


Chapitre VI

TROP TARD ( ? )


M. Jacques, j’aurais à vous entretenir sur un sujet important… intéressant en même temps.

— Oui, Yvon ?… Je t’écoute, et je suis certain d’avance d’être grandement intéressé.

— Je commencerai par vous rappeler quelques incidents qui se sont produits, lors de notre séjour à la Maison Grise… Tout d’abord, parlons de l’absence presqu’inexplicable de Guido, le chien. Il disparaissait, chaque matin, vous vous en rappelez, excepté durant ces jours de pluie que nous avons eus, puis il revenait à la maison chaque soir, car, de notre chambre à coucher, nous pouvions l’entendre aboyer.

— Je me rappelle de cet incident, je m’en rappelle très bien… Je sais que les disparitions et les réapparitions du chien t’intriguaient fort, mon garçon, fit Lionel Jacques en souriant.

— Oui… Je me demandais si le chien ne suivait pas quelqu’un, soit à la ville, soit ailleurs. Un jour, je l’ai aperçu, à W…

— Je t’ai dit déjà, Yvon, qu’on soupçonnait « l’hermite » de la Maison Grise, de n’en pas être un du tout : donc, Guido…

— Suivait réellement quelqu’un à la ville, chaque matin…

— Qu’est-ce qui te fait dire cela ?

— J’en suis positif, aujourd’hui, et ce quelqu’un habite aussi la Maison Grise… Je l’ai rencontrée… cette autre personne habitant la maison.

— Vraiment !

M. Jacques, demanda soudain notre héros, avez-vous entendu parler déjà d’Annette, l’aveugle ?

— Annette, l’aveugle… murmura Lionel Jacques, comme s’il eut essayé de se rappeler ses souvenirs. J’ai certainement entendu mentionner ce nom… j’ai même, quoique de loin, entendu chanter cette personne, en s’accompagnant sur une guitare… Mais, quel rapport Annette, l’aveugle, peut-elle bien avoir avec la Maison Grise et celui qui l’habite ?

— Vous ne devinez pas ?… Le chien de M. Villemont a nom Guido, le ""guide, vous savez… le guide d’Annette, l’aveugle…

— Tu dis ?…

— Annette est la petite-fille de M. Villemont, M. Jacques.

— C’est presqu’incroyable ! s’écria Lionel Jacques. Elle est jeune, sans doute, Annette, l’aveugle ?

— Dix-sept… dix-huit ans à peu près, je crois… Elle est jeune…