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LHomme de la

Maison Grise


ROMAN
Par
Madame A. B. Lacerte.

PROLOGUE


CHAPITRE I

LE PRIVILÈGE DE LA FEMME


— Stéphanne… Quel joli nom !… Et c’est le vôtre ?

— Oui, M. de Montvilliers. Mais je ne permets qu’à mes amis les plus intimes de m’appeler ainsi.

— Vous voulez dire que nous ne sommes pas amis, vous et moi, Mlle Noëlet ?

— Amis ?… Nous nous connaissons à peine !

— Voilà quinze jours que nous avons fait connaissance, pour être exact, Mlle Noëlet. Mais l’amitié, comme la valeur, n’attend pas le nombre des années, je crois, fit-il en souriant.

— Peut-être… Tout de même, je préfère que vous ne m’appeliez pas par mon petit nom, répondit-elle en souriant un peu froidement.

— Je vous suis donc bien antipathique ?… J’aimerais tant vous entendre m’appeler Félix, qui est mon petit nom, à moi !

— Vous ne m’êtes pas antipathique ; au contraire ! Je vous trouve aimable, charmant causeur… et puis, vous êtes une véritable aubaine pour nous, humbles villageoises. Pensez-y ! Vous portez un nom haut sonnant ; vous venez de loin, et vous êtes un des fortunés de ce monde.

— Il vous plaît de vous moquer de moi, Mlle Noëlet.

— Pas du tout ! Pas du tout croyez-le protesta-t-elle. Je vous dis tout simplement ce qui en est… Depuis que vous êtes dans ce village, ajoute-t-elle en riant, nos jeunes gens commencent à comprendre la signification du dicton : « Nul n’est prophète dans son propre pays ».

— Que voulez-vous dire ?…

— Ah ! Qu’importe !… Nous devrions être très flattés, tous, tant que nous sommes, de vous voir prolonger votre séjour parmi nous. Dieu sait pourtant s’il est monotone, ennuyant notre village, pour qui n’y a pas toujours vécu, s’entend. Quant à nous, nous y sommes habitués.

— Moi, je me plais infiniment ici… parce que vous y êtes, sans doute… D’ailleurs, votre village est vraiment admirable, situé, comme il l’est, sur les bords de l’impo-