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L’HOMME DE LA MAISON GRISE

J’y ai cheminé assez longtemps pour pouvoir l’affirmer.

— Et la Maison Grise ?

— Hein ? Oh ! Je ne sais pas… Je présume qu’il doit y en avoir une ; c’est tout ce que je puis vous dire. Eh ! bien, au revoir, M. Francœur, Mme Francœur, fit Yvon en se levant pour partir.

— Vous souperez avec nous, n’est-ce pas, M. Ducastel ?

— Merci, chère Madame ; mais ce sera impossible. Je cours faire mes commissions, puis, je retourne à notre chantier, car je n’aime pas à laisser mon malade seul trop longtemps. Entre trois et quatre heures de l’après-midi, Yvon revenait chez les Francœur ; il avait fait toutes ses commissions, ce qu’indiquait clairement le nombre de paquets dont il était chargé. Il s’était arrêté à la houillère, en passant, dire bonjour aux employés, leur expliquer brièvement la raison de son « faux départ » disait-il en riant, leur annonçant, par la même occasion, qu’il ne serait de retour à son poste que lorsque son congé serait expiré.

Après avoir pris quelques bouchées d’un goûter que lui avait préparé cette bonne Mme Francœur, il sauta sur sa selle et partit pour la Maison Grise.

Comme il arrivait à la fourche de chemin, où commençait le Sentier de Nulle Part, un chien vint aboyer autour de Presto. Ce chien, Yvon le reconnut aussitôt ; c’était Guido, le collie de la Maison Grise.

— Guido ! Guido ! appela-t-il.

Ayant arrêté son cheval, il mit pied à terre, et encore une fois, il appela le chien, qui vint lui faire des joies.

Oui, c’était bien Guido. Son nom était gravé sur son collier… Guido !… Que faisait-il, si loin de chez lui ?…

— Viens. Guido ! Beau chien, viens ! fit le jeune homme, qui, vite, remonta sur son cheval.

Le chien le suivit pendant quelques instants seulement puis, s’arrêtant net, il se mit à geindre et à remuer doucement la queue.

— Guido ! Guido ! appela, de nouveau, Yvon.

Il allait descendre de cheval, encore une fois, mais le chien, comme s’il se fut rappelé de quelque chose, lança à l’air deux aboiements, puis, tournant sur lui-même, il partit, ventre à terre, dans la direction de la ville.

— C’est étrange étrange !… se disait le jeune homme. Que fait, par ici, le chien de la Maison Grise ?… Peut-être M. Villemont est-il à W…, dans le moment, et s’est-il fait accompagner de son chien ?… Je le saurai bientôt d’ailleurs… Chose certaine, c’est que Guido passe ses nuits dans la maison et ses journées dehors… Où va-t-il, chaque jour ?… Suit-il quelqu’un ?… Serait-ce vrai que « l’hermite » de la Maison Grise n’en est pas un, après tout… que quelqu’un demeure là, avec lui ?… Pourtant, c’est presqu’impossible… Il n’y a aucun vestige d’un autre être humain à la Maison GriseM. Jacques se moquerait de moi, s’il savait les soupçons que je nourris à propos de M. Villemont et de tout ce qui le concerne… même son chien ; il me dirait que j’essaie de trouver du mystère là où il n’en existe pas… Cependant… Mais, allons ! Dépêchons ! si je veux arriver à destination avant la clôture des portes. Ha ha ha ! ajouta-t-il, avec un éclat de rire insouciant.

Lorsqu’il arriva à la Maison Grise, Yvon vit bien que M. Villemont n’avait pas quitté son domicile de la journée : il portait les mêmes habits que le matin : la bombe chantait sur le feu ; la table était mise pour le souper, et le maître des séans, assis près du foyer, fumait sa pipe, tandis qu’à côté de lui était un verre et une bouteille de cognac plus de la moitié vide ; à cette bouteille il avait dû puiser maintes fois, à en juger par son visage boursoufflé, ses mains tremblantes, et son sourire, à la fois niais et méchant.

Évidemment alors, Guido avait passé la journée seul, en ville…. N’était-ce pas très étrange ?


Chapitre XIII

ILLUSION D’OPTIQUE ?…


Murmurant un : « Bonjour, M. Villemont » ! en passant, Yvon se rendit directement à sa chambre ; c’est qu’il avait bien hâte de revoir son compagnon et d’apprendre com-