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L’HOMME DE LA MAISON GRISE

— Dans tous les cas, voici deux sandwiches que je viens de préparer pour vous ; je vais les mettre sur cette table, à la tête de votre lit, à côté de la carafe d’eau et le pot de limonade. Pour le cas où notre hôte vous oublierait, vous ne courrez pas le risque de mourir de faim et de soif, pendant mon absence.

— C’est une inutile précaution, tu sais, Yvon, dit Lionel Jacques ; mais si ça peut te rassurer sur mon compte, très bien.

— Ça me rassure… jusqu’à un certain point… Le fait est que je n’aime pas beaucoup vous laisser seul ici… Cet homme… M. Villemont…

— Ah ! bah ! fit Lionel Jacques en souriant.

M. Villemont est un inconnu pour nous, en fin de compte, M. Jacques, et après le tour qu’il nous a joué… et qu’il nous joue chaque nuit, en nous enfermant à clef dans notre chambre, je me défie de lui, plus que jamais.

— N’aie aucune crainte, mon garçon.

— Mais !… S’il allait vous attaquer !… Ça doit être à moitié détraqué cet… hermite !

— Il ne m’attaquera pas… Et puis, Yvon, s’il osait faire le geste seulement de me provoquer, je… Tiens, regarde !

Ce-disant, Lionel Jacques retira de sous ses oreillers un revolver de fort calibre, qu’il montra au jeune homme.

— Ah !… Un revolver !

— Bien sûr !… Vois-tu, jamais je ne pars en excursion dans la forêt, sans être armé. On ne sait jamais… Une mauvaise rencontre… homme ou bête… Ainsi, ne sois nullement inquiet à mon sujet, mon jeune ami, et je te souhaite de passer une belle et agréable journée à la ville.

— Je ne manquerai pas de me rendre au bureau de poste, y poster vos lettres et en retirer votre courrier. Je ne manquerai pas non plus de vous apporter des revues et les journaux, ainsi que le linge et les objets de première nécessité qui vous manquent tant, depuis que vous êtes ici…

— Je me fie à toi ; je sais que tu n’oublieras rien, mon garçon !

À dix heures, Yvon se rendît à la cuisine et demanda à son hôte :

M. Villemont, auriez-vous des objections à prêter une brochure ou des revues à M. Jacques ? Il va être seul toute la journée ; lire le distraira.

— Vous pouvez choisir, répondit l’homme de la Maison Grise, en indiquant la table, couverte de matière à lire.

— Merci, fit Yvon, en s’emparant au hasard, de deux brochures et de quelques revues, qu’il alla porter immédiatement au malade.

— Voici de quoi vous amuser, M. Jacques, dit-il, en jetant les livres et revues sur le lit. M. Villemont a fort gracieusement consenti à vous prêter ces brochures et revues.

— Merci, Yvon ; merci d’y avoir pensé ! Vraiment, tu penses à tout ! S’étant assuré que Lionel Jacques ne manquerait de rien pendant son absence, Yvon se disposa à partir.

— Vous avez quelque chose à me communiquer, avant mon départ, M. Villemont ? demanda-t-il. Qu’est-ce, s’il vous plaît ?

— Oui… Ah ! oui !… Je suis d’avance que ce que je vais vous dire va vous mécontenter, répondit l’hermite en souriant, car j’ai pu constater déjà que vous êtes… fougueux… Mais c’est de votre âge, je le comprends.

— Vous vouliez m’entretenir de… quoi ? demanda, encore une fois Yvon.

— Je voulais, tout d’abord, m’enquérir de l’heure à laquelle vous pensez être de retour de la ville… à supposer que vous avez l’intention de revenir ici ce soir ?

— Je ne saurais fixer l’heure exacte de mon retour, M. Villemont, répondît notre ami. Entre cinq et six heures probablement.

— Ce sera bien ainsi… Le fait est, M. Ducastel, que, dans ces régions isolées, il y a certaines précautions à prendre ; c’est pourquoi, à moins d’un cas extraordinaire, la porte de la Maison Grise se ferme à six heures précises, chaque soir.

— À six heures !

— C’est là un des règlements de la Maison Grise… et puis, je n’aime pas à dévier de mes habitudes, je vous le dis franchement ; le souper