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L’HOMME DE LA MAISON GRISE

brutal que soit ce dernier… Cependant, le fait était là… une fois les étrangers enfermés, en sûreté (à clef) dans leur chambre, Guido était admis dans la maison… pour disparaître aussitôt que ces mêmes étrangers avaient libre accès dans la cuisine.

— C’est bien ridicule de ma part, je le sais, se dit Yvon, mais l’absence de Guido m’intrigue excessivement… Où va-t-il ce chien ?…. Ou passe-t-il ses journées ?… M. Villemont enferme-t-il la pauvre bête quelque part ?… Pas dans les environs de la maison, en tout cas, car le chien répondrait à mes appels, s’il était à portée de ma voix… Essayons de l’appeler encore !

Encore une fois il se mit à siffler et appeler doucement le chien ; mais aucun aboiement le lui répondit.

— C’est étrange… c’est vraiment étrange… et c’est ennuyeux, avec cela ; car, pour dire la vérité, Guido est infiniment plus aimable que son maître, et j’en aurais volontiers fait mon camarade, durant mon séjour à la Maison Grise.

Ses appels ayant été vains, il retourna à la maison. Le déjeuner était prêt et M. Villemont attendait son invité ( ?) pour se mettre à table.

Un sourire nargueur plissait les lèvres de l’homme de la Maison Grise à l’arrivée d’Yvon ; sans doute il avait entendu le jeune homme siffler le chien et, pour une raison ou pour une autre, cela l’avait fort amusé.

Au moment de se rendre dans sa chambre, muni du plateau pour Lionel Jacques, Yvon dit à M. Villemont :

— Je pars pour la ville, cet avant-midi. S’il y a quelque chose que je puisse faire pour vous, tandis que je serai à W…, je le ferai volontiers.

— Ah ! C’est aujourd’hui que vous allez à W… ? fit M. Villemont.

— Je partirai vers les dix heures ou dix heures et demie.

— Je vous remercie, mais il n’y a rien que vous puissiez faire pour moi à la ville… Seulement, j’aurais à vous entretenir quelques instants, avant votre départ, M. Ducastel.

— Si c’est pour me recommander encore une fois de ne pas mentionner la Maison Grise à mes connaissances et amis… commença Yvon sur un ton impatienté et fort mécontent.

— Ne vous excitez donc pas ainsi, jeune homme, répondit M. Villemont avec son sourire désagréable. Il s’agit de toute autre chose…

— C’est bien, fit Yvon, subitement calmé. Qu’est-ce ?

— Tout à l’heure… lorsque vous serez prêt à partir.

— Comme vous voudrez !… Je présume que vous n’oublierez pas de servir le dîner à M. Jacques, ce midi ? demanda Yvon.

— Bien sûr que non. Je suis payé pour cela d’ailleurs, dit l’hermite, assez amèrement.

— Il y a certaines choses pour lesquelles vous n’êtes pas payé et que vous faîtes quand même, n’est-ce-pas. M. Villemont ? s’exclama le jeune homme, en pensant à l’incident de leur porte de chambre.

— Que voulez-vous dire ? Je ne comprends pas…

— Oh ! Vraiment ? dit Yvon, en éclatant de rire. Qu’importe, d’ailleurs ! ajouta-t-il et haussant les épaules, il quitta la cuisine.

Tout en se rendant dans sa chambre, il faisait les réflexions suivantes concernant son hôte :

— Désagréable type ! murmura-t-il entre ses dents. Ah ! si M. Jacques peut guérir une bonne fois, afin que nous puissions quitter la Maison Grise et son assez sinistre maître, jamais, non jamais de ma vie, je ne reviendrai dans ces parages !

« Fontaine, je ne boirai jamais de ton eau »…

Plus d’un s’est exprimé en ces termes ou a pensé ainsi déjà… qui a dû en rabattre pourtant !

Chapitre XI

LE RÈGLEMENT DE LA MAISON GRISE


M. Jacques, dit Yvon, pendant le déjeuner de son malade, j’espère que M. Villemont n’oubliera pas de vous apporter votre dîner.

— Il ne l’oubliera pas, j’en suis sûr.