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L’HOMME DE LA MAISON GRISE

lui avait remis Lionel Jacques lui porta chance. D’étape en étape, il arriva à la Nouvelle-Écosse. Engagé comme teneur de livres, dans un des bureaux de la houillère de W…, ainsi qu’il en avait été à la banque, jadis, sa promotion fut rapide… si rapide que, à l’âge de vingt-cinq ans, il avait acquis la position et le titre d’inspecteur.


Chapitre IX

OÙ EST GUIDO ?


Ayant été averti si poliment (?) la veille. Yvon attendit qu’il fût huit heures sonnées, avant de s’acheminer vers la cuisine, le lendemain matin. M. Villemont y préparait le déjeuner et l’odeur agréable de bon café était répandue dans la pièce.

— Bonjour, M. Villemont ! fit le jeune homme.

— Bonjour, M. Ducastel, répondit M. Villemont d’un ton non moins rude que la veille.

— Belle journée, n’est-ce pas ?

— Oui… Le déjeuner sera prêt dans une dizaine de minutes.

— C’est bien. En attendant, je vais aller soigner mon cheval ; j’en ai le temps, je crois.

— Oui, vous en avez le temps, répondit l’homme de la Maison Grise.

Yvon avait remarqué une chose, en pénétrant dans la cuisine : c’était que Guido, le chien collie, n’y était pas. Où était-il ?… Il avait été dans la maison toute la nuit ; le jeune homme l’avait entendu aboyer, à plus d’une reprise.

Il eut envie de demander à M. Villemont ce qu’était devenu le chien, mais il ne l’osa pas. Probablement, d’ailleurs, qu’il lui serait répondu que ce n’était pas les affaires de qui que ce soit où Guido était allé.

Presto manifesta bruyamment sa joie en revoyant son jeune maître : aussitôt qu’il entendit son pas s’approchant de l’écurie, il se mit hennir, à piocher et à se démener de la plus belle façon. La pauvre bête avait dû se croire abandonnée, car on avait toujours l’habitude de la soigner, dès l’aurore.

Le cheval ayant reçu sa provision de foin et d’avoine, Yvon sortit de l’écurie et tout doucement, il se mit à siffler Guido. Ce fut en vain ; évidemment, le chien n’était nulle part aux environs… Où pouvait-il bien être ?…

Lorsqu’il retourna à la maison, le déjeuner était prêt et les deux hommes s’attablèrent.

— Comment se porte le malade, ce matin ? daigna demander M. Villemont.

— Pas trop mal… pour le temps, répondit Yvon. Et, ça me fait penser… M. Jacques…

M. Jacques — …

— C’est le nom de ce monsieur qui est malade, dit Yvon.

— C’est un nom assez singulier, assez rare, ne trouvez-vous pas ?

— Bien… Je ne sais pas…

— On dirait un prénom plutôt.

— Il se nomme Lionel Jacques, m’a-t-il dit, répondit notre ami, ne jugeant pas à propos de mettre son hôte au courant de ses affaires, en lui disant qu’il connaissait Lionel Jacques, de longue date.

— Mais, pardon ! Je vous ai interrompu, je crois… Vous aviez commencé à me dire que M. Jacques…

— Ah ! oui… Il désirait vous parler et comme il ne peut pas venir vous trouver ici, il demande que vous vouliez bien lui rendre visite, dans le courant de l’avant-midi.

— J’irai, répondit M. Villemont.

— Et M. Jacques demande aussi si vous pourriez lui laisser avoir une tablette, ou du papier à lettres, ainsi que des enveloppes, un crayon ou une plume.

M. Jacques a donc de la correspondance à faire ?

— Faut croire ! répondit froidement Yvon.

— Les tablettes… même le papier à lettres, c’est chose rare, très rare à la Maison Grise, M. Ducastel, dit l’hermite, car je n’écris et ne reçois jamais de lettres. Cependant, je chercherai et…

— « Cherchez et vous trouverez », a dit le Seigneur acheva Yvon en riant et se levant de table.

Muni d’un plateau pour son malade, le jeune homme pénétra dans la chambre à coucher. Lionel Jacques était assis dans son lit ; déjà, son pied le faisait un peu moins souffrir