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L’HOMME DE LA MAISON GRISE

chambre, pas un instant ; pouvait-il y laisser tant d’argent ?… Ce serait courir un trop grand risque vraiment !

Chose certaine, personne ne remarquerait son absence, à table, car, plus souvent qu’autrement, il soupait dans un restaurant, vu qu’il n’appréciait pas beaucoup les talents culinaires de sa maîtresse de pension.

Mais qu’allait-il faire, en attendant l’heure de son départ ?… Il passait à peine six heures ; cinq longues heures à patienter !…

Il savait d’avance qu’il serait inutile d’essayer de lire ou d’écrire ; il n’y parviendrait pas… Que faire pour passer le temps ?…

Il se mit à arpenter sa chambre, de long en large ; mais bientôt, il se dit que ce va-et-vient finirait par attirer l’attention des autres pensionnaires, ou de la maîtresse de pension, et s’il y avait une chose dont il voulait se garder, c’était bien d’attirer l’attention de qui que ce fut sur lui-même, dans le moment.

Assis dans un fauteuil, Yvon se mit à fumer force cigarettes, pour passer le temps ; mais le temps était lent, très lent à passer, lui semblait-il… Il essaya de se jeter sur son lit, non pour dormir, mais pour se reposer la tête un peu… Non ; cela non plus ça ne réussirait pas… S’il pouvait sortir, aller se promener dans la rue, ou s’asseoir dans un parc et exposer son front brûlant au froid et à l’air du soir… Cela non plus, ce n’était pas praticable ; il lui faudrait emporter sa valise avec lui ; de plus…

Il se mit à pleurer… Des larmes brûlantes et pressées inondèrent bientôt ses joues pâles… Ah ! s’il avait pu revenir d’une heure ou de deux en arrière ; s’il pouvait trouver le moyen de réparer son… crime !…

Soudain, il frissonna de terreur et un léger cri s’échappa de sa bouche ; c’est qu’on venait de frapper à sa porte !!!


Chapitre VIII

UN NOBLE CŒUR


Il eût voulu ne pas répondre ; laisser supposer qu’il était sorti ; mais la lueur de sa lampe se voyait, sous sa porte et… Non ! Il ne pouvait pas s’en exempter ; il lui fallait ouvrir !

On venait de frapper pour la deuxième fois…

D’un pas hésitant, il se dirigea vers la porte, qu’il ouvrit en tremblant et il se trouva en face de… Lionel Jacques… le Gérant de la banque qu’il avait volée !!

— Mon… Monsieur… Jac… Jacques ! bégaya-t-il.

— Oui, c’est moi, mon garçon, répondit le Gérant.

— Que… Que me voulez-vous ?

— J’ai pensé que tu n’approuvais pas de l’idée que j’envoie chercher les clefs de la banque et du coffre-fort par un employé, ici, demain matin ; je suis donc venu les chercher moi-même.

— Merci, M. Jacques, répondit Yvon, avec un soupir de soulagement. Les voici, ajouta-t-il, en retirant de son gousset un anneau sur lequel trois clefs étaient suspendues.

— Je vois que tu te prépares à partir, dit le Gérant, en indiquant la valise d’Yvon, qu’il avait mise sur son lit, à côté de son pardessus et de son chapeau.

— Oui… Je pars… Demain, probablement, je serai loin d’ici.

— Adieu, je te souhaite bon voyage et bonne chance, Yvon ! fit Lionel Jacques en se levant.

— Encore merci, M. Jacques !

Le Gérant se dirigea vers la porte ; mais soudain il s’arrêta et prenant une enveloppe de la poche intérieure de son habit, il la tendit au jeune homme en disant :

— Tiens ! J’allais oublier de te donner ceci… C’est la lettre de recommandation que je t’avais promise. La voici.

La lettre de recommandation ! La lettre, dans laquelle il était question de la probité d’Yvon Ducastel !…

Notre jeune ami se sentit rougir et pâlir tour à tour. Il ne pouvait accepter cette lettre, dans laquelle il était question de sa probité… la probité d’un voleur ! Non ! Non !

— Je… Je ne peux pas l’accepter, M. Jacques… balbutia-t-il.