père chéri ! Venez, Yvon ! Vite, quittons cette sinistre demeure !
— Oui, oui, ma chérie, répondit tendrement Jacques Livernois. Retournons au Gite-Riant ! Viens, petite Reine de la Ville Blanche, viens !
Sans plus s’occuper de l’homme de la Maison Grise, tous s’acheminèrent vers la porte de sortie. Mais au moment de partir, le prêtre se tourna du côté de l’ermite et lui dit tristement, quoiqu’avec bonté :
— Que Dieu vous pardonne, M. de Montvilliers !
Chapitre VII
MARGUERITES ET FLEURS D’ORANGERS
Près d’un an s’est écoulé depuis les événements rapportés dans le chapitre précédent. On est au mois de juin. Un radieux soleil inonde la Ville Blanche et ses environs.
La Ville Blanche est parée comme pour une fête. Quoiqu’on soit au jeudi, tous les citoyens portent leurs habits des dimanches et s’acheminent vers l’église. Par les portes larges ouvertes du saint lieu arrivent des flots d’harmonie, et le parfum des fleurs se mêle à celui de l’encens. Décidément, c’est grande fête !
Mais avant de dire la raison de cette fête, racontons brièvement les incidents qui ont eu lieu, depuis que nous avons vu le Curé Prince, Annette, Lionel Jacques et Yvon quitter hâtivement la Maison Grise et son sinistre habitant.
Est-il nécessaire de dire qu’Annette avait été heureuse, au-delà de toute expression, de retourner au Gite-Riant, en compagnie de son père (Jacques Livernois) et de ses deux bons amis ? Elle avait tant souffert, moralement du moins, dans la maison de celui qu’elle avait cru être son grand-père !
Jacques Livernois avait résolu, d’après le conseil du curé, de reprendre son véritable nom. Une explication plausible ayant été donnée et crue, on s’accoutuma vite à l’appeler par son véritable nom.
Et Annette était réellement la Reine du Gite-Riant et de la Ville Blanche.
Mme Foulon était devenue la confidente de la jeune fille ; mais bientôt, celle-ci fit plus ample connaissance avec Madeleine Blanchet, et toutes deux devinrent amies inséparables. Madeleine, nous l’avons dit déjà, était la meilleure enfant au monde. Ce qui lui manquait cependant, c’était un certain poli, une certaine distinction de manières et de goût ; ces choses, elle les acquit vite, au contact d’Annette.
Madeleine était courtisée par le Docteur Rupert. Un jour, elle arriva au Gite-Riant, émue et joyeuse en même temps.
— Regardez, Annette ! fit-elle, en montrant à son amie une bague surmontée d’un diamant, qu’elle portait à l’annulaire de sa main gauche.
— Le Docteur Rupert… murmura Annette.
— Comment ! Vous saviez ?
— C’était clair comme le jour, ma chère, répondit, en riant, Annette.
— Et vous, Annette ?… Quand porterez-vous un gage de vos fiançailles avec M. Ducastel ? demanda Madeleine.
— M. Ducastel et moi nous sommes d’excellents amis seulement, Madeleine, répondit, en rougissant un peu, la fille de Jacques Livernois.
— Oh ! Vraiment ! fit Madeleine, avec un sourire entendu.
Maintenant, parlons de M. et Mme Francœur. Ils étaient heureux à la pensée qu’Annette était réellement la fille de « M. Jacques » et qu’elle demeurait au Gite-Riant, la plus belle résidence au monde selon eux. Le bonheur des Francœur consistait à recevoir Annette de temps à autre, lorsqu’elle accompagnait son père, alors que celui-ci venait à W… par affaires.
Un autre qui était content de la tournure qu’avaient pris les événements, c’était Léon Turpin, l’enfant infirme du sellier. Il avait tant pleuré le pauvre petit, à la pensée que « M. l’Inspecteur » allait partir pour l’Europe… et puis, ne lui avait-on pas dit, dans le temps, qu’il ne reviendrait plus !
Un jour, on eut des nouvelles des d’Azur. Ils voyageaient en pays étranger, d’une ville européenne à une autre, accompagnés de leur « domestique » une négresse ayant nom