la porte à plusieurs reprises, sans avoir été entendu.
— M. Jacques ! Ô M. Jacques ! s’écria Yvon, accourant au-devant de celui qui venait d’entrer.
— Yvon ! Mon pauvre enfant ! répondit Lionel Jacques.
— Je vous ferai remarquer que nous étions à discuter des affaires privées, M. Jacques, dit Richard d’Azur d’un ton qu’il crut fort digne.
— Moi aussi, j’ai des affaires privées… et très pressées, à discuter avec vous, M. d’Azur.
— Vraiment ?… M. Broussailles était à m’entretenir de choses fort intéressantes, reprit le père de Luella, avec un rire moqueur. Il me racontait…
— Inutile de répéter, fit Lionel Jacques. J’ai entendu, avant de frapper à la porte… Mais, Broussailles, reprit-il, essaie seulement de desserrer les dents sur cette… cette tentative d’Yvon ; dis un mot, un seul mot, du passé et je te fais la vie intolérable, ici… et ailleurs, comprends-tu ? Je le peux, tu sais !
— Auriez-vous la bonté de nous dire ce que vous venez faire ici, M. Jacques ? demanda Richard d’Azur. Nous ne vous attendions que demain matin… avant de partir pour l’église.
— Je ne crois pas avoir de comptes à vous rendre, M. d’Azur répondit Lionel Jacques, moitié gouailleur. C’est plutôt à M. Ducastel que j’ai affaire d’ailleurs.
— À moi, M. Jacques s’exclama le jeune homme, surpris.
— Oui, Yvon, à toi… Je suis venu te sauver, mon garçon !
Chapitre III
LE VÉRITABLE SAUVETAGE
— Me sauver ?…
Lionel Jacques allait répliquer, quand la porte du salon s’ouvrit, de nouveau, pour livrer passage à Salomé, cette fois.
La négresse s’avança jusqu’au milieu de la pièce, puis s’adressant à Yvon et à Richard d’Azur, elle dit :
— Mlle Luella m’envoie vous dire qu’elle ne descendra pas au salon avant une demi heure encore.
— C’est bien, Salomé ! répondit Richard d’Azur. Retire-toi maintenant ! ajouta-t-il.
— Pas moi ! s’exclama la négresse, en s’asseyant dans un fauteuil.
— Que signifie ? s’écria son maître, blanc de colère.
— Ça signifie que, entendu que vous m’avez chassée, M. d’Azur, je ne suis plus à votre service ; conséquemment, je ne vois pas la nécessité de vous obéir.
Une expression d’excessive haine parut sur le visage du millionnaire. Même, il fit mine de s’élancer vers la négresse.
Mais Lionel Jacques parlait, et les premières paroles qu’il prononça, clouèrent littéralement sur place le père de Luella.
— M. d’Azur, disait le propriétaire de la Ville Blanche, si vous voulez suivre mon conseil, vous aurez, en compagnie de votre fille et de votre domestique, quitté W…, demain matin, bien avant l’heure fixée pour le mariage et pour n’y jamais revenir.
— Vous dites ?
— Je dis… Mais inutile de répéter mes paroles ; vous avez dû les comprendre parfaitement… Vous vous êtes, tous ensemble, rendu coupables d’un crime.
— Un crime… murmura Yvon. Annette… C’était donc eux ?…
— Allons donc ! s’était écrié Richard d’Azur, en feignant d’être très amusé ce qu’il n’était guère, si on pouvait en juger par la pâleur de son visage.
— Il y a juste une semaine ce soir, reprit Lionel Jacques, Annette, la jeune aveugle, arrivait dans cette maison, pour y rencontrer Mme Francœur, avec qui elle devait aller veiller au chevet de la petite Anita Poitras, qui se mourait… Il y eut un malentendu… Ne trouvant pas Mme Francœur en bas, Mlle Annette résolut d’aller la trouver dans sa chambre à coucher, ne sachant pas, la pauvre enfant, que Mme Francœur dans sa grande bonté, avait cédé sa chambre à Mlle d’Azur, qui était… ou qui avait été malade…
— Ô ciel ! fit Yvon, qui commençait à comprendre.
— Mlle Annette frappa à la porte de la chambre, à plusieurs reprises ;