Page:Lacerte - L'homme de la maison grise, 1933.djvu/176

Cette page a été validée par deux contributeurs.
175
L’HOMME DE LA MAISON GRISE

la lumière du fanal éclairait son visage parfaitement… C’était ce… ce jeune homme de la Ville Blanche… L’loucheux, vous savez…

— Patrice Broussailles ?

— Justement !

— Mon pauvre Ludger, vous vous êtes trompé, ou vous avez rêvé, c’est évident ! Mlle d’Azur le connaît à peine ce garçon.

— Pardon, M. Ducastel ; mais je les avais déjà vus ensemble, sur le chemin allant de W… à la Ville Blanche et ils paraissaient causer intimement tous deux, comme de vieux amis, de vieilles connaissances.

— C’est… c’est incroyable ! murmura Yvon.

— Oh ! Vous avez été trompé, oui trompé, dans cette affaire de sauvetage, le soir du « désastre » !… Mlle d’Azur…

— Je commence à le croire, fit notre ami avec un triste sourire.

— Étienne Francœur… reprit Ludger. En voilà un qui pourrait vous en raconter de belles… s’il voulait parler… Je sais qu’il…

À ce moment, quelqu’un frappa à la porte du bureau.

— Je gage que c’est Francœur ! murmura l’infirme. Il me cherche… Il a peur que je parle…

— Entrez ! fit Yvon, s’adressant à celui qui venait de demander admission.

Étienne Francœur entra dans le bureau. En apercevant Ludger Poitras, il eut l’air fort décontenancé.

— Poitras ! s’exclama Étienne Francœur. Vous ici ! Je vous avais demandé pourtant de… de…

M. Francœur dit Yvon gravement M. Poitras vient de me faire certaines révélations… À votre tour maintenant ! Il paraît que j’ai été trompé, relativement à mon sauvetage de la mine, le soir du « désastre » ?

M. Ducastel… balbutia Étienne Francœur.

— Il faut tout me raconter, tout, mon ami !

— J’ai promis de me taire… D’ailleurs, à quoi sert ?

— Qu’importe ce que vous avez promis ! Parlez ! Je vous somme de parler !

Et Étienne Francœur parla. Il raconta à Yvon Ducastel ce qu’il savait ; il répéta au fiancé de Luella d’Azur le récit qu’il avait fait à sa femme, le soir de son retour de voyage ; on s’en souvient.

— Vous jurez que c’est immédiatement après le « désastre » que…

— Oui, immédiatement après… Je m’en allais prendre le train, M. l’Inspecteur… Mlle d’Azur et son père sont passée tout près de moi ; eux, sur le grand chemin, moi, sur la Route Abandonnée… M. d’Azur boitait… Mlle d’Azur pleurait… Sa robe était en lambeaux et elle saignait abondamment d’une blessure à la tête…

— Ô ciel ! s’exclama Yvon. Tant de mensonges !…

— Des mensonges, M. Ducastel ? Ils n’ont fait que cela mentir, ces gens ! Et puis… je n’ai jamais compris comment vous aviez pu ajouter foi à ce… ce conte, moi, non, jamais !

— La scène avait été si bien préparée, voyez-vous, M. Francœur ! répondit Yvon, d’un ton sarcastique.

— Qu’allez-vous faire, M. l’Inspecteur, à présent que vous savez à quoi vous en tenir ? demanda Étienne Francœur, quelque peu effrayé du résultat qu’aurait ce qui venait d’être révélé. Il est trop tard maintenant pour… pour changer les choses… Vous auriez bien dû vous taire, vous ! s’écria-t-il ensuite, en s’adressant à Ludger Poitras.

— Sans doute, il est trop tard pour entraver le cours des événements, répondit Yvon… du moins, je le crois… Seulement, je retourne immédiatement à la maison, dire ma façon de penser à M. d’Azur.

— Mon Dieu, M. Ducastel… commença Ludger.

— Je vous remercie, mes amis, reprit le jeune homme. Il vaut toujours mieux tard que jamais, vous savez ! ajouta-t-il en souriant.

Ce-disant, il quitta son bureau et se dirigea hâtivement vers sa maison de pension.



Chapitre II

« ET PUIS, APRÈS » ?


— Et puis, après ?

C’était Richard d’Azur qui venait