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L’HOMME DE LA MAISON GRISE

houillère, pour sûr… Oui, hélas ! je le crains, elle est là-dedans la pauvre petite Mlle Annette !

— Pensez-vous… Pensez-vous qu’elle a pu… tomber dans la mine ?

— Oh ! Non, M. Ducastel ! Elle ne se serait jamais risquée seule dehors, sans Guido.

— Mais, alors ?…

— Alors… Quelqu’un a dû… Cependant, qui aurait pu commettre pareil crime… faire du mal à cet ange ?

Mlle Annette ! Mlle Annette ! pleurait Mme Francœur.

— Mon Dieu ! s’exclama Yvon tout à coup. Dans une demi-heure maintenant, il montera un char de dans la houillère… Si Annette a été jetée là… Ô Maître tout-puissant !

— Que faire ? demanda Étienne Francœur d’une voix tremblante.

— Je vais descendre…

— Descendre ?… Comment cela ? À pied ?… Impossible, M. Ducastel, impossible ! Jamais vous n’y parviendriez ! C’est glissant comme un miroir ; vous auriez vite fait de débouler jusqu’en bas !

— Je vais descendre, M. Francœur, répéta Yvon. Annette… La pauvre enfant !… S’il vous plaît aller m’attendre dans mon bureau, tous deux… et emmenez le chien avec vous, M. Francœur ; il me nuirait.

Étienne Francœur et sa femme essayèrent de faire entendre raison au jeune homme, mais ce fut peine perdue. Il courait une chance de sauver celle qu’il aimait, se disait-il ; quand il risquerait cent fois sa vie, il allait essayer.

Il partit donc…

Il ne se cachait pas les difficultés, l’impossibilité presque de sa tâche. Sans doute, il n’était jamais arrivé à qui que ce fut de s’aventurer ainsi à descendre, à pied, dans la houillère.

Muni de sa lanterne, il commença à descendre, et immédiatement, il comprit qu’il lui serait impossible de se tenir debout. Ainsi que l’avait prédit Étienne Francœur, le sol était glissant comme une glace et il risquait de débouler jusqu’en bas.

Il dut donc s’asseoir et se laisser glisser, le plus lentement possible. Cette glissade était remplie de dangers de toutes sortes. La voie ferrée était, par endroits très étroite, encaissée entre de hauts murs de charbon. En d’autres endroits, elle serpentait entre deux abîmes. Ailleurs, c’était pis encore peut-être, car, d’un côté était le mur ; de l’autre, l’abîme.

Yvon se cramponnait aux rails de la voie ferrée, quand il le pouvait, ou bien encore à quelqu’aspérité du roc… ou du charbon, afin d’essayer d’enrayer la rapidité de sa descente… qui, par moments, menaçait de devenir une chute. D’autres fois, il descendait à reculons, sur ses genoux. Sa lanterne l’embarrassait beaucoup et lui causait, en même temps, infiniment de souci ; si, par malheur, elle se brisait, il serait pris, perdu, dans l’affreuse obscurité, n’osant remuer même d’un pouce, à cause des abîmes invisibles que l’entouraient.

Ces abîmes… Annette avait dû être jetée dans la mine par quelque malfaiteur… Alors, n’était-il pas constant qu’elle avait péri… qu’elle avait roulé dans un de ces abîmes ?… Ses recherches, à Yvon, seraient donc vaines… Mais qu’importe ! Il descendrait ainsi, sur ses genoux, à des centaines et des centaines de pieds, s’il le fallait, ne remontant que lorsqu’il serait assuré que celle qu’il cherchait avait réellement péri…

Remonter ?… Comment remonterait-il ?… Sur ce sol glissant, ce serait impossible… Et s’il retrouvait Annette, comment ferait-il ?… Jamais, non jamais il ne parviendrait à remonter en la portant dans ses bras… Ô ciel ! Ils étaient perdus, bien perdus tous deux.

Et puis… il avait dû descendre à plus de deux cents pieds maintenant… Annette… où était-elle ?… Ah ! La pauvre, pauvre enfant !… Si, au moins il pouvait la retrouver… ils mourraient ensemble…

Soudain, il s’arrêta… Il descendait sur ses genoux, à cause des dangers du chemin, et ses pieds avaient rencontré un obstacle…

Non sans difficulté, non sans danger, il parvint à s’asseoir. Un abîme, sans fond peut-être, était à sa gauche… Il avança sa lanter-