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L’HOMME DE LA MAISON GRISE

en risquant la vôtre, pauvre enfant !

— Vous auriez peut-être fait comme moi, répondit la jeune fille avec un sourire si pitoyable que des larmes vinrent aux yeux de plusieurs des personnes présentes.

— Mais, comment vous y êtes-vous prise pour opérer le sauvetage de M. Ducastel et le vôtre ? demanda quelqu’un.

— Je… Je ne… sais pas… articula péniblement Luella ; oui, péniblement, car elle commençait à souffrir cruellement de sa blessure à la tête.

— Pauvre, pauvre enfant ! s’exclama Lionel Jacques en posant sa main sur l’épaule de la jeune fille. Voyez, ajouta-t-il, en s’adressant à tous, ses vêtements sont en lambeaux et elle est toute couverte de sang !

— Il faut qu’elle soit transportée chez elle, dit M. Foulon ; de fait, tous deux (Mlle d’Azur et M. Ducastel, je veux dire ! devraient être dans leurs lits et sous les soins d’un médecin le plus tôt possible.

Mlle d’Azur… est… est… une héroïne… murmura Yvon.

— Assurément, oui ! firent-ils tous.

— Vive Mlle d’Azur ! Vive M. l’Inspecteur ! cria quelqu’un.

— Vive, vive Mlle d’Azur ! Vive, vive M. Ducastel ! reprit la foule.

— Comment êtes-vous parvenu à opérer votre sauvetage et celui de M. Ducastel ? demanda quelqu’un.

— Je… Je ne me souviens plus… répondit Luella, en passant à plus d’une reprise, sa main sur son front. Un pic… trouvé sur le sol de la mine… puis un câble oui…

— Ce n’est guère le temps de questionner Mlle d’Azur, je crois, intervint M. Foulon. La pauvre enfant est à moitié morte d’épuisement.

— Ah ! Elle a perdu connaissance ! s’écria Mme Francœur, en désignant Luella, qui venait de tomber dans les bras de Lionel Jacques.

(Ce n’était pas un évanouissement factice non plus).

Elle fut déposée dans l’express et Mme Francœur s’installa auprès d’elle.

Quant à Yvon, avec l’aide de Lionel Jacques et de M. Foulon, il parvint à monter dans une voiture: mais aussitôt, il s’évanouit, à son tour.

Ce fut une assez lugubre procession qui s’achemina vers la demeure des Francœur. Les véhicules contenant Yvon et Luella venaient les premiers; ils étaient suivis d’autres voitures et aussi de piétons.

— C’est une héroïne que Mlle d’Azur ! affirmait-on.

— Certes ! Vous l’avez dit !

— Dire qu’elle n’a pas voulu abandonner M. Ducastel dans la mine… Elle s’est frayée un chemin jusqu’à lui…

— À l’aide d’un pic…

— Mais, comment a-t-elle pu découvrir un passage conduisant dehors ?

— Ah ! C’est là qu’est le mystère !

— Elle expliquera ce mystère, plus tard, probablement…

— Beaucoup plus tard, je crois…. Je ne serais pas surpris qu’elle fît une grave maladie.

— Ma foi ! Ça ne serait pas surprenant, la pauvre demoiselle !

— Dans tous les cas c’est vraiment extraordinaire ce qu’elle a fait !

— C’est entendu !

Les commentaires, les louanges à l’adresse de la jeune fille allaient leur train…

Oui, vraiment ! Luella d’Azur était devenue l’héroïne du jour !



Chapitre III

CE QUI S’ENSUIVIT


Salomé, bien stylée par Patrice Broussailles, fit une scène fort touchante, en apercevant sa chère Miss Luella… qu’elle avait cru perdue à jamais, disait-elle en sanglotant… évanouie, dans les bras de M. Jacques.

— Elle est sans connaissance, dit Lionel Jacques à la négresse, en déposant Luella sur le canapé du salon.

— Oh ! Pauvre, pauvre Miss Luella ! fit la servante en se tordant les mains.

Mlle d’Azur est une héroïne, vous savez. Salomé, reprit Lionel Jacques : elle a sauvé la vie de M. Ducastel.

— C’est un ange Mlle Luella, un ange ! s’exclama la négresse avec ferveur.

— Où est M. d’Azur ?… Comment se fait-il que…

— Il est dans sa chambre… ma-