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L’HOMME DE LA MAISON GRISE

sentera pour vous de réussir dans vos projets… concernant M. Ducastel.

— Vous êtes fort mystérieux, M. Broussailles ! fit Luella, qui ne put s’empêcher de sourire, tout en haussant les épaules.

— Je le répète, Mlle d’Azur, j’ai vu Ducastel… Il était couché sur le sol, dans la forêt, là-bas… Penchée sur lui et lui prodiguant des soins, était… la Dame Noire.

— La Dame Noire ! s’écria Luella, prise de frayeur superstitieuse.

— Pardon, Mlle d’Azur, fit Patrice, impatienté ; mais ne soyez pas ridicule… J’ai dit que la Dame Noire prodiguait des soins à Ducastel… Or, lorsque ce dernier reviendra à la connaissance de ce qui l’entoure, tout à l’heure, il faut (il faut, entendez-vous ! que ce soit vous, Mlle d’Azur, qu’il aperçoive auprès de lui et qu’il croie que vous lui avez sauvé la vie.

— Mais, la Dame Noire ?…

— Ne craignez rien ; la Dame Noire s’enfuira, à votre approche, soyez-en assurée… Alors, je vous laisserai auprès de M. Ducastel et j’irai avertir les gens de ce qui se passe.

— Pensez-vous réellement que…

— Fiez-vous à moi ; j’arrangerai bien les choses !

— Et si on me questionne ?…

— Vous saurez inventer quelque chose, j’en suis certain… Vous n’avez pas voulu fuir, comme les autres, et abandonner M. Ducastel… Un pic, trouvé sur le sol de la mine vous a permis de vous frayer un passage jusqu’à lui… puis à l’aide d’un câble, trouvé, aussi, sur le soi, vous avez opéré le sauvetage…

— Je ferai de mon mieux, promit Luella.

— Je suis assuré que tout ira bien alors… Et puis, si on vous presse trop de questions, vous n’aurez qu’à faire semblant de perdre connaissance ; personne n’en sera étonné, après les choses que vous leur aurez racontées.

— Arrivons-nous à destination M. Broussailles ?

— Nous voilà arrivés !… Et voyez, ainsi que je l’avais prédit, la Dame Noire s’enfuit… à toutes jambes.

— Elle ne reviendra pas, vous pensez ?

— N’ayez crainte !… Maintenant, jouez bien le rôle que je vous ai assigné, Mlle d’Azur et, avant un mois, j’en ai la certitude, vous serez devenue « Mme Ducastel ».

Ce-disant. Patrice Broussailles arrêta le cheval et Luella descendit hâtivement de voiture.

— Miséricorde ! s’écria-t-elle, après s’être approché d’Yvon Ducastel et agenouillée auprès de lui. Il est mort ! sanglota-t-elle.

— Pas mort : seulement évanoui assura Patrice. Au revoir… Mme Ducastel, reprit-il, gouailleur.

Il s’éloigna à pied, en riant tout haut, après avoir donné la liberté au cheval, qui ne lui appartenait pas d’ailleurs.

— Quelle veine ! se disait-il, en s’acheminant tranquillement vers l’entrée de la houillère. Les dix mille dollars de… commission, je les tiens, je les tiens !… Je tiens aussi ma vengeance, mon bon Ducastel, ajouta-t-il avec un sourire méchant. Nous allons rire !


Chapitre II

L’HÉROÏNE DU JOUR


Sans se hâter, Patrice Broussailles s’acheminait vers la mine. Rien ne pressait : bien au contraire, car il voulait donner à Yvon le temps de reprendre connaissance, quand ça ne serait que pour un moment, et de reconnaitre auprès de lui Luella d’Azur éplorée.

Patrice était certain d’une chose : c’était que son plan allait réussir… Personne n’avait eu connaissance de ce qui venait de se passer entre Luella et lui. Tout le monde était sur le lieu du désastre, et puis, il faisait noir, et puis encore ils avaient cheminé, en voiture, sur une route abandonnée (de fait, connue à W… sous le nom de La Route Abandonnée) sur cette route, devenue presqu’impassable, peu de gens osaient se risquer.

Il arrivait à destination, lorsqu’il s’aperçut que la foule assemblée à l’entrée de la mine, commençait à se disperser. Sans doute, Yvon Ducastel, le seul qui manquait à l’appel, était compté pour mort… Quelle surprise leur était réservée !