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L’HOMME DE LA MAISON GRISE

n’avait plus pensé qu’à lui-même, aux douleurs presqu’intolérables qu’il endurait.

— Luella ?… avait-il demandé à la servante.

On l’a deviné, Salomé n’aimait guère son maître ; cependant, elle eut pitié de lui, le voyant tant souffrir.

— Elle est couchée et elle dort, avait-elle répondu.

— Ah ! Tant mieux, la pauvre enfant !… Cette blessure à la tête ? reprit-il.

— Ce ne sera rien… Désirez-vous que j’aille vous préparer une tasse de thé et de la nourriture légère, M. d’Azur ?

— Oui, je prendrai bien un peu de thé.

Salomé se rendit au premier palier. Luella l’entendit descendre l’escalier, puis tout rentra dans le silence…

Un quart d’heure à peu près, se passa encore…

Soudain, des pas pressés s’approchèrent de la chambre de la jeune fille. On frappa à la porte à coups précipités.

— Qui est là ? demanda Luella, fort étonnée.

— C’est moi… Patrice Broussailles… Ouvrez ! Ouvrez vite !

Sans hésiter, même un instant, elle courut ouvrir.

Patrice Broussailles se précipita dans la chambre, mais il s’arrêta, stupéfait devant l’apparence de la jeune fille… Comment ! Sa robe était en lambeaux ! Son visage et ses mains n’avaient pas été lavés ! Ses bras étaient déchirés et meurtris, et à la tête elle portait une blessure toute saignante !

Mais bientôt, le « professeur » eut un sourire satisfait ; vraiment, on n’eut pu demander mieux ! Dans l’état où elle était, Luella d’Azur avait l’air de n’être sortie de la houillère que depuis quelques instants, et c’était précisément ce qu’il fallait pour la réussite de ses plans.

— Vite ! s’écria-t-il. Venez ! Suivez-moi !

— Mais, qu’est-ce ?… Que me voulez-vous ?

— Suivez-moi, sans faire la moindre objection, je vous prie. Ne me posez pas de questions non plus, car je n’ai pas le temps d’y répondre… Une voiture attend, derrière la maison.

— Je… Je ne… comprends pas… balbutia Luella. Pourquoi vous suivrai-je, sans savoir où vous allez me conduire.

— Je vais vous conduire auprès de celui que vous aimez.

— Vous dites ?

— Et si vous suivez mes conseils à la lettre, vous verrez bientôt votre, ou vos rêves se réaliser.

— Vous me proposez des énigmes, je crois, M. Broussailles ?

— Je vous dis que vous n’avez qu’à m’obéir. M. Ducastel…

M. Ducastel ! cria la jeune fille. Hélas ! Je connais son malheureux sort : j’ai vu les voûtes s’écrouler sur lui…

— Ducastel est vivant. Mlle d’Azur, fit tranquillement Patrice.

— Vivant ! Impossible !… J’ai vu…

— Qu’importe ce que vous avez vu… ou cru voir !… Ducastel est vivant. Ainsi, venez !

Il entraîna Luella à sa suite. Tous deux descendirent dans le corridor du premier palier.

— J’ai affaire à Salomé, fit-il ; attendez-moi ici, s’il vous plaît.

La jeune fille entendit du corridor, la voix de Patrice Broussailles. Il s’adressait à la négresse ; il paraissait lui donner des ordres, que Salomé accueillait en silence.

— N’oubliez pas d’avertir M. d’Azur, recommanda-t-il. Allez le mettre au courant tout de suite, Salomé !

Patrice revint ensuite dans le corridor, où Luella l’attendait, et prenant la jeune fille par le bras, il la conduisit dehors.

Ainsi qu’il l’avait annoncé, une voiture attelée à un cheval noir, attendait, à la porte de la cuisine. Patrice Broussailles fit signe à sa compagne d’y monter.

— M’expliquerez-vous, maintenant… commença Luella, aussitôt que la voiture eut été en mouvement.

— Je viens de voir Ducastel, couché sur le sol, en plein bois…

— Vous avez dû vous tromper, M. Broussailles dit, en pleurant, Luella.

— Je vous dis que c’était lui !

— C’est un miracle alors ?

— Peut-être… Dans tous les cas, jamais pareille chance ne se pré-