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L’HOMME DE LA MAISON GRISE

fille.

— Ma chère enfant ! supplia Richard d’Azur.

— Mais, père…

Les hiboux ne sont pas rares, dans la mine, je le répète, fit Yvon. Cependant, ajouta-t-il avec un rire quelque peu ennuyé, c’est la première fois que l’un d’eux me frôle de ses ailes et… je n’aimerais pas à recommencer l’expérience, je l’avoue en toute franchise, car ça été pour le moins désagréable.

— Croyez-vous qu’il reviendra ?

— Soyez assurée que non, Mlle d’Azur. Il est déjà loin, je pense.

— Mais, par où est-il passé ? demanda Mme Foulon. Il était là il y a un instant ce hibou… Où est-il allé ?

— Il a dû s’enfuir par quelque trou ou crevasse, que nous ne voyons pas, nous. Allons ! Continuons notre exploration ! répondit Yvon, que le sujet commençait à agacer beaucoup.

— Quel lugubre lieu qu’une houillère tout de même ! s’exclama Luella.

— Vous l’avez dit ! approuva Mme Foulon.

— Voici le dernier couloir que je dois inspecter aujourd’hui, mes amis, annonça Yvon. Ah ! reprit-il aussitôt, tout est terminé ici, évidemment, puisque les hommes sont partis. Vous le voyez, continua-t-il, c’est…

Mais, subitement, il se tut. Un bruit étrange, épouvantable, venait de se faire entendre : on eût dit celui du tonnerre, lointain d’abord, mais se rapprochant rapidement.

Pourtant, pas un cri ne s’échappa de la bouche de nos amis ; c’est qu’une terreur sans nom les rendait muets. Tous pâlirent cependant, même Yvon.

— Qu’est-ce que ce bruit ! demanda, au milieu du silence de tous, Lionel Jacques. Serait-ce…

— Une catastrophe… Un désastre, je le crains, répondit Yvon.

— Fuyez ! Fuyez ! Effondrement ! Effondrement !

Ces paroles venaient de retentir dans le couloir, et au même instant, apparaissait une forme vêtue de noir ; c’était une femme, dont la main droite projetait une clarté blanche, surnaturelle, propre à jeter la terreur dans le cœur du plus hardi.

— La Dame Noir ! s’écria Luella, puis elle s’évanouit.


Chapitre XIV

QUI MANQUERA À L’APPEL ?


La houillère de W… était devenue un véritable enfer.

Des cris de désespoir, des lamentations, des presque hurlements se faisaient entendre, puis une bousculade, un sauve-qui-peut général avaient lieu. Les mineurs jettent au loin leurs pics et partent à courir, dans toutes les directions. Leurs lanternes tombent de leurs mains sur le sol, et se brisent ; heureusement, elles sont piétinées sur place et leur feu s’éteint sous les pas des hommes affolés, sans cela, une explosion eut été éminente.

Quant à nos amis, après la soudaine apparition de la Dame Noire et sa non moins soudaine disparition, eux aussi s’enfuient. Richard d’Azur portant dans ses bras sa fille évanouie. Un homme les précède en courant.

— Suivons-le ! s’écrie M. Foulon, en désignant celui qui les précède. C’est M. Ducastel ; il nous montre le chemin.

— Êtes-vous sûr que… commença Lionel Jacques.

Mais il se tait. Que cet homme soit Yvon ou un autre, il n’y a qu’à le suivre, si on ne veut pas s’égarer.

— Je doute fort que cet homme soit Yvon, cependant, se disait Lionel Jacques, tout en courant. Si je me rappelle bien, il était tout au fond du couloir et… Mais, nous verrons bien !

La houillère semblait peuplée de milliers et de milliers d’ombres, se précipitant de tous les couloirs et boyaux ; c’étaient les mineurs, pris de panique. On les distinguait à peine ; seules, leurs lanternes, ainsi que des feux follets, semblaient voltiger, dans l’espace, au ras du sol, un peu partout.

Quelle course que celle qu’on fit, ce jour-là ! une course avec la mort.

Ceux qui nous intéressent particulièrement n’oublieraient jamais leur terrible expérience… s’ils parvenaient à avoir la vie sauve, s’en-