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L’HOMME DE LA MAISON GRISE

tience ces pauvres bêtes attendaient son apparition, chaque jour !

M. Ducastel, dit, en riant, Mme Foulon, en posant sa main sur l’épaule de notre ami, alors qu’il s’apprêtait à offrir une pomme au cheval, vous êtes un jeune homme selon mon cœur !

Tous éclatèrent de rire.

— En voilà un endroit pour faire une déclaration, ma chère ! s’écria M. Foulon, qui riait plus fort que les autres.

— Une déclaration faite à deux mille pieds sous terre ! C’est grave ! fit Lionel Jacques, très amusé.

— Ah ! Taisez-vous donc, vous autre ! dit Mme Foulon qui, elle, riait aux larmes. Je dis que M. l’Inspecteur est un jeune homme selon mon cœur, parce qu’il aime les chevaux et il les traite avec bonté. Moi aussi, j’aime les chevaux, et aussi les chiens ; nous sommes en sympathie, M. Ducastel.

— J’en suis fort heureux, Madame, répondit Yvon en s’inclinant devant la jeune femme, tout comme s’il se fut trouvé dans un salon et non à des milliers de pieds sous la croûte terrestre, à ce moment.

— N’est-ce pas, Mlle d’Azur, continua-t-elle, que c’est un beau trait chez M. Ducastel que cette douceur qu’il a envers les bêtes ?

— Oh ! Ah ! Oui ! répondit Luella.

Dans l’ombre, elle haussa les épaules la fille du millionnaire. Elle n’aimait les bêtes qu’en tant qu’elles lui rendaient service, et selon elle, Mme Foulon était bien ridicule, dans ses élans enthousiastes.

L’exploration continua ; on parcourut d’autres couloirs, on visita d’autres chevaux.

En se promenant dans une houillère, on ne peut manquer de faire les réflexions suivantes :

Malgré le bruit des chars, remontant à la surface du sol, chargés de charbon et redescendant allèges ; malgré le bruit des pics, attaquant continuellement la paroi, un silence de mort semble planer dans la houillère… Les mineurs passent, comme des ombres silencieuses. On les aperçoit à peine ; on ne voit souvent que la lumière de leurs lanternes ; on dirait des feux follets…

Voyez-vous ces deux lanternes qui se croisent en route ?… Ce sont deux mineurs qui se rencontrent ; mais ils se rencontrent en silence… sans échanger le moindre « bonjour ». Plus loin, on voit trois ou quatre fanaux ensemble ; ce sont trois ou quatre mineurs qui travaillent de concert ; mais ils travaillent en silence, sans échanger de propos joyeux.

Jamais on n’entend siffler gaiement dans la mine ; ces hommes (pauvres malheureux) sont là pour travailler et travailler durement. Ils savent bien qu’ils risquent leur vie, chaque jour, pour gagner leur pain et celui de leur famille… Ils ont conscience du danger qui est là, tout près… pourquoi seraient-ils joyeux ou gais ?

Oui, c’est un triste lieu qu’une houillère… C’est le lieu de l’obscurité, du silence, du danger, et souvent, trop souvent, hélas ! de la plus affreuse des morts !

— Ah ! s’écria tout à coup Yvon. Voici un endroit où l’on peut respirer à l’aise !

Le bruit d’une machine fonctionnant avec régularité parvint à leurs oreilles ; c’étaient les pompes à air !


Chapitre XIII

LES YEUX DE FEU


Hâtivement, nos amis s’approchèrent de l’endroit d’où leur parvenait le bruit des machines, et appuyés à une sorte de corniche (en charbon naturellement) chacun aspira avec délices, cet air artificiel. Ces pompes qui distribuent l’air respirable dans la mine, si elles cessaient de fonctionner, pour une raison ou pour une autre… ce serait la mort à courte échéance pour des centaines d’êtres humains !

Yvon Ducastel (Richard d’Azur et Luella le savaient) était à préparer une pétition, pour obtenir du Département des Mines, l’installation de plusieurs pompes à air dans chaque houillère. Cette pétition serait signée par tous les citoyens de W… et on en espérait de bons résultats. Ces pompes fonctionneraient indépendamment les unes des autres ; de cette manière, s’il arrivait à l’une d’elle de se déranger, d’autres les remplaceraient.

Mais on ne pouvait s’éterniser