Page:Lacerte - L'homme de la maison grise, 1933.djvu/106

Cette page a été validée par deux contributeurs.
105
L’HOMME DE LA MAISON GRISE

de sa fille, de prolonger leur séjour à W…

— Ce qui nous donnera l’occasion de nous joindre à vos amis, qui doivent explorer la mine, en votre compagnie, jeudi prochain, M. Ducastel.

— Mais, oui, M. d’Azur ! Et cela me fait penser… Que diriez-vous d’aller rendre visite à M. Jacques, à la Ville Blanche, après demain, c’est-à-dire dimanche, dans l’après-midi ?… N’est-ce pas que ce serait une bonne idée Mlle d’Azur ?

— Ce serait charmant ! répondit Luella en souriant.

— Nous irons à cheval, tous trois. Je sais où vous trouver deux excellentes bêtes de selle. Vous plairait-il de venir voir ces chevaux, demain, après cinq heures… je veux dire après mes heures de bureau ?

— Certes, oui ! s’écria la jeune fille. N’est-ce pas, père ?

— Certainement, Luella. Vous possédez un cheval, M. Ducastel ?

— Si j’en possède un ! s’exclama Yvon. Presto… Il faut que vous fassiez la connaissance de Presto, Mlle d’Azur, ajouta-t-il ; c’est un cheval extraordinaire… selon moi du moins. Il va comme le vent et il est doux comme un agneau.

— J’aimerais à le voir, fit Luella.

— Alors, allons ! répondit Yvon.

Mais Presto, soit qu’il fut mal disposé, soit pour toute autre cause, ne se montra pas aimable pour Luella : il coucha les oreilles dans son crin lorsque la jeune fille voulut le flatter, et même, il fit mine de ruer. C’est en vain qu’elle l’appela par son nom et qu’elle lui parla, comme on parle aux animaux généralement, maître Presto se tassa dans le fond de sa stalle et eut l’air tout chose. Décidément, le cheval de M. Ducastel n’aimait pas Mlle d’Azur !

Yvon ne put s’empêcher de faire des comparaisons : Presto recherchait les caresses d’Annette ; il posait même sa tête sur l’épaule de l’aveugle et hennissait doucement lorsque celle-ci lui parlait.

Doit-on se fier aux caprices d’un animal ?… Ce serait folie sans doute… Cependant, l’instinct d’un cheval ou d’un chien est presqu’infaillible, assure-t-on.


Chapitre VII

DEUX JEUNES FILLES


Le lendemain, au déjeuner, Yvon ne put résister au désir de taquiner un peu Mme Francœur :

— Vous avez donc consenti à garder M. et Mlle d’Azur encore pour quelque temps ? avait-il demandé en souriant.

— Que voulez-vous, M. Ducastel ? avait-elle répondu, souriant, elle aussi. L’argent parle haut et M. d’Azur m’a offert, pour continuer à les pensionner tous trois, lui, Mlle d’Azur et Salomé, un prix qui m’a fait ouvrir les yeux, tellement je l’ai trouvé exorbitant.

— Salomé ne vous fait plus peur alors, Mme Francœur ? demanda Yvon avec un éclat de rire, car il se rappelait l’arrivée de la négresse et l’effet qu’elle avait produit.

— Salomé ? Non. M. l’Inspecteur. Je ne crois pas qu’elle soit le moindrement mal intentionnée cette femme. Elle ne vit que pour Mlle d’Azur, sa jeune maîtresse d’ailleurs… Mais, je plaindrais celui ou celle qui oserait contrarier sa chère Miss Luella, je vous le dis ! Elle pourrait devenir fort dangereuse, en ce cas, cette négresse.

— Vous pensez, vraiment, Mme Francœur ?

— Si je le pense ? J’en suis fermement convaincue, M. l’Inspecteur.

— Dans tous les cas, personne ne songe à contrarier Mlle d’Azur, fit Yvon en haussant les épaules d’un geste indifférent.

— Personne, bien sûr, M. Ducastel ! Je ne voudrais pas essayer, moi, c’est certain ! Avec Salomé à l’arrière-plan, ce serait un jeu fort risqué, car, selon moi, elle pourrait être terrible cette négresse ; elle adore sa jeune maîtresse, voyez-vous.

— Je me demande ce qui a pu décider Mlle d’Azur à prolonger son séjour en notre ville. Mme Francœur; probablement qu’elle y a consenti pour ne pas déplaire à son père, tout simplement.

— Étienne a son idée là-dessus, M. Ducastel, fit, assez mystérieusement, Mme Francœur.

M. Francœur ?… Quelle est donc son idée ?

Mais Mme Francœur ne fut pas