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L’HOMME DE LA MAISON GRISE

pouvons en obtenir l’autorisation, nous aimerions à faire une petite exploration de la houillère…

— Nous verrons… fit Yvon en souriant.

— Mais, reprit Richard d’Azur, il y a la question du logement, en cette ville ; cela me paraît tout un problème…

— Il y a un hôtel… commença notre ami.

— Oui, je sais… Nous en arrivons… et vraiment, nous n’avons pu nous décider d’y séjourner, même pour une heure… Alors, nous avons pensé… ou plutôt, on nous a dit de nous adresser à vous et que vous voudriez peut-être user de votre influence auprès de votre maîtresse de pension, afin qu’elle nous prenne chez elle.

— Ah !… fit le jeune homme, Mme Francœur est certainement un véritable cordon-bleu, sa maison est grande, confortable et fort bien tenue… Seulement elle ne tient pas réellement une maison de pension, vous savez, M. d’Azur ; de fait, je suis, et j’ai toujours été, je crois, son seul pensionnaire.

— On me l’a dit… Mais je suis sûr que si vous vous serviez de votre influence auprès de cette dame…

— Je peux toujours essayer, répondit Yvon en souriant.

— Luella, ma fille, est épuisée de fatigue, la pauvre enfant ; elle a réellement besoin de se reposer. Je vous serais fort obligé, M. Ducastel, si vous vouliez prendre notre cause en mains.

— Je ferai de mon mieux, M. d’Azur.

— Vous alliez partir, je crois ? demanda Richard d’Azur. Pourquoi ne ferions-nous pas route ensemble, jusqu’à votre maison de pension ?

— Mais, certainement ! Je parlerai immédiatement à Mme Francœur… Il vous faudra deux chambres…

— Pardon ! Trois… Il nous faut trois chambres, M. l’Inspecteur ; il y a aussi notre domestique, Salomé, qui nous accompagne. Elle est à la gare, dans le moment, en possession de nos bagages.

— Je crois que Mme Francœur pourra accommoder aussi votre domestique, dit Yvon.

Mme Francœur n’aura qu’à faire son prix, annonça pompeusement Richard d’Azur ; je suis prêt à payer ce qu’elle me demandera, de plus, un bon pourboire probablement.

— Alors, partons ! fit Yvon.

— Oui, partons !… Il me tarde de régler cette question d’une maison de pension, vous le pensez bien… Pour moi-même, passe encore ! mais ma fille est si fatiguée !

« M. l’Inspecteur », accompagné d’étrangers, un monsieur et une dame, cette dernière, vraiment frappante, avec sa chevelure d’or, son teint rose et sa riche toilette, cela ne manqua pas d’attirer l’attention de tous ceux qu’ils rencontrèrent, en route. On eut vite pris des renseignements et bientôt le bruit courut dans la ville que cet étranger, un monsieur d’Azur, était millionnaire et qu’il voyageait avec sa fille, son unique enfant, et une domestique, cette dernière, attachée au service personnel de Mlle d’Azur. Ces nouvelles suscitèrent l’intérêt de beaucoup de gens, car, dans les petites villes, le moindre incident fait sensation, on le sait.

En arrivant à sa maison de pension, Yvon introduisit M. et Mlle d’Azur dans le salon, puis il alla trouver Mme Francœur, dans la cuisine, où elle était à préparer le souper. En quelques phrases, il la mit au courant de ce qui se passait.

— Pensez-y, Mme Francœur, ajouta-t-il en riant, c’est un cas réellement désespéré : des voyageurs en détresse, dans une ville étrangère… sans toit pour les abriter… sans une croûte à manger…

Pour dire l’exacte vérité, Mme Francœur ne paraissait être ni très impressionnée ni très touchée de la détresse de ces inconnus, et elle fit la moue, tout d’abord à la pensée de prendre chez elle ces trois étrangers. Quel surcroît d’ouvrage aussi !

Mais bientôt, s’étant consolée à la pensée que ça ne serait que pour trois ou quatre jours, elle dit :

— C’est bien, M. Ducastel, je les prendrai ici… C’est plutôt pour vous obliger que je le fais, car…

— Oh ! Mais ! Ne vous mettez pas à la peine pour m’obliger, Mme