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L’ANGE DE LA CAVERNE

causaient ensemble que quand la garde était loin, leur moyen de communication n’avait pas été découvert.

Mais, que complotaient donc ces deux prisonniers ?… Par les quelques phrases échangées entr’eux, on serait porté à croire qu’ils complotaient une évasion du pénitencier, pour cette nuit même… S’évader du pénitencier de Cayenne !… Combien de pauvres malheureux qui, ayant essayé de s’évader et y ayant réussi, seraient retournés au pénitencier de grand cœur, s’ils l’avaient pu !… La vie y était dure, très-dure, assurément ; mais, les environs du pénitencier sont si épouvantables qu’il fallait être bien désespéré pour s’y risquer.

Oh ! les environs du pénitencier de Cayenne !!… Ce ne sont que marais exhalant les germes de fièvres pernicieuses. Ces marais, de plusieurs milles d’étendue, sont infestés de bêtes fauves, de serpents, d’alligators et de fourmis ; celles-ci non moins dangereuses que les bêtes fauves, les serpents et les alligators : un homme attaqué par une nuée de fourmis blanches, serait déchiqueté en peu de temps… Puis, la nuit, dans les marais, voltigent des centaines de chauve-souris, d’énormes chauve-souris — auxquelles on donne aussi le nom de vampires. — Ces vampires voltigent autour du chemineau assoupi, en battant des ailes. Ce battement d’ailes, produisant l’effet d’un éventail, procure un bien-être qui amène le sommeil… Puis, quand le chemineau s’est endormi, la sale bête s’abat sur sa proie, les ailes tendues, et elle suce le sang de ses veines… jusqu’à ce que mort s’en suive.

Ces prisonniers, projetant de fuir le pénitencier de Cayenne, savaient-ils ces choses ?… Savaient-ils qu’ils couraient à une mort certaine, la plus épouvantable des morts ?… Savaient-ils que, pendant des milles et des milles — s’ils n’étaient pas dévorés ou s’ils ne mouraient pas de la fièvre auparavant — il leur faudrait cheminer sur un sol mouvant qui s’affaisserait sous leurs pas et menacerait, à chaque instant, de les engloutir ?… Savaient-ils que, jamais, ou, du moins, presque jamais, un évadé du pénitencier de Cayenne n’était par-