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L’ANGE DE LA CAVERNE

riot, cheminant sur la grande route, bien approvisionnés, avant des armes défensives et offensives… Ce n’était plus le cheminement à travers les marais de la Guyane Française, le terrain ne se dérobait plus sous leurs pas, ils ne couraient plus le risque d’être dévorés vivants ou d’être abattus soudainement par les fièvres.

Andréa avait eu la main heureuse quand il avait acheté « Vol-au-Vent. » La bonne bête, vigoureuse et forte, allait son petit train, bien cadencé. On ne la maltraitait pas, croyez-le ; si Vol-au-Vent s’arrêtait parfois pour brouter de l’herbe trop tentante, on la laissait faire un peu, puis un : « Marche, Vol-au-Vent ! » d’Andréa l’encourageait à reprendre son bon train de route.

Le chariot était confortable, et quand le temps était mauvais, Yves et Andréa prenaient leurs repas dans leur « roulotte » comme ils appelaient leur chariot. Deux bancs fixes servaient de lits quand les évadés préféraient coucher sous bois ; mais, assez souvent, ils passaient la nuit dans une auberge, sur un bon lit. Car Yves et Andrea, sans être fortunés, n’étaient pas totalement dépourvus d’argent. Le soir de leur départ de la maison du passeur. Andréa avait remis à Yves une liasse de billets de banque.

« Qu’est-ce que cet argent » demanda Yves, étonné.

— « C’est la moitié du prix de la troisième peau de jaguar, » répondit Andréa. « Je garde l’autre moitié… Nous sommes riches, » ajouta-t-il, en riant.

— « Ah ! ces peaux de jaguars nous ont rendu bien des services ! » s’écria Yves. « Moi qui étais contre l’idée de nous en charger ! »

Tristan suivait la roulotte, excepté quand la chaleur était trop grande ; alors, il savait bien sauter dans le chariot et se faire traîner par Vol-au-Vent, qui n’avait pas l’air de s’apercevoir de ce surcroît de fardeau d’ailleurs.

Il y avait six jours qu’Yves et Andréa cheminaient sur la route conduisant à Macapa et Yves se disait que dussent-ils éternellement mener cette vie de saltimbanque, il ne s’en plaindrait pas.