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L’ANGE DE LA CAVERNE

côté, alors qu’ils étaient au pénitencier, il ne restait plus miette.

Plus d’un serpents avait été tué par les gaules aux bouts effilés.

Quant aux baguettes « attrape-nigauds » comme disait Andréa, elles n’avaient pas encore été mises à réquisition… et, croyez-le, les évadés ne s’en plaignaient pas.

Mais le couteau leur avait été d’un grand service, un jour où Andréa avait été attaqué par un jaguar. Contre ce « tigre du Brésil » Andréa n’avait, pour se défendre, qu’une des gaules au bout effilé ; mais Yves, qui était à la recherche de plants de quinquina, entendit les cris de son compagnon et les aboiements de Tristan. Aussi vite qu’il le put sur ce terrain incertain, il accourut… Juste à temps ; Andréa était sous les griffes d’un jaguar de grande taille et il allait être mis en pièces, quand Yves s’élança vers le fauve, le saisit par la nuque et lui enfonça son couteau dans le cœur.

« Vous m’avez sauvé la vie, Mirville ! » s’écria Andréa, dont l’épaule saignait d’un coup de griffe du jaguar.

— « Je suis arrivé à temps ; que Dieu en soit béni ! » répondit Yves. « Venez maintenant ; je vais laver cette blessure qui saigne si abondamment. »

Si Andréa ne remercia pas Yves, ce n’était pas par ingratitude… C’était à la vie à la mort entre ces deux hommes que le hasard avait jetés ensemble. L’occasion s’en présentant, Andréa donnerait sa vie pour sauver celle de son sauveur d’aujourd’hui ; c’était chose entendue entr’eux, n’est-ce pas ?

Andréa ne voulut pas abandonner la peau du jaguar qu’Yves venait de tuer. En vain, Yves lui démontra-t-il que c’était se charger d’un poids trop lourd, Andréa persista dans son idée. Il dépouilla donc le jaguar de sa peau — aussi belle que celle du tigre — il l’étendit sur un rocher où elle sécha vite sous le soleil ardent. Cette peau leur servirait de couverture, la nuit ; car les nuits commençaient à être fraîches et ils en souffraient tous deux.