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L’ANGE DE LA CAVERNE

Andréa en riant. « On peut nommer ces petites baguettes effilées des deux bouts, des attrape-alligators aussi. Avec ces baguettes, Mirville, on peut se défendre contre les alligators, du moment… »

— « Allons donc ! Vous voulez rire, Andréa ! »

— « Pas du tout, Mirville, » répondit Andréa… « J’avoue qu’il faut du sang-froid pour se défendre contre un alligator avec une de ces minces baguettes, mais, ni vous ni moi ne manquons de sang-froid, n’est-ce pas ?… La corniche… »

— « Ah ! ne parlez pas de la corniche ! » s’écria Yves. « Je n’aime pas à y penser ; ça a été si terrible !  ! »

— « C’était seulement pour vous dire qu’il nous sera assez facile de nous défendre contre les alligators avec un peu de sang-froid. L’alligator s’élance, la gueule ouverte, vers sa proie… Il s’agit alors de saisir une de ces baguettes aux deux bouts effilés et de la placer verticalement dans la gueule du monstre… L’alligator croit saisir le bras de sa victime… Il ferme vite ses mâchoires… Mais les deux pointes de la baguette s’enfoncent dans son palais, et il est impuissant dorénavant. »

— « Et c’est vous qui avez inventé cela, Andréa ? » demanda Yves.

— « Oh ! non, » répondit Andréa. « Ces baguettes sont très communément employées surtout parmi les Noirs, qui les ont inventées… Les Noirs du Brésil… Je suis un Brésilien, moi, vous savez, Mirville. »

— « Un Brésilien !… Mais alors ?… »

— « Alors, comment se fait-il que j’aie été enfermé dans le pénitencier de Cayenne ?… J’ai quitté mon pays et suis allé demeurer en France… pour mon malheur. Voilà ! Maintenant, » continua Andréa « je vais, avec des branches de bambou, fabriquer des arcs… J’ai de la ficelle… Il va falloir que nous pourvoyons à notre nourriture et… »

— « Vous voulez dire que nous abattrons du gibier avec des flèches ?… Nous mangerons ce gibier cru, alors ? »

— « Cru ?… Pas du tout, » répondit Andréa, en souriant. « J’ai des allumettes ; voyez ! »