Une distance de trente-cinq pieds les séparait de l’échelle de sauvetage et, ces trente-cinq pieds, ils mirent au-delà de dix minutes à les franchir, 818 précédant 602. Ils ne posaient un pied devant l’autre qu’avec d’extrêmes précautions… Quarante pieds de vide, d’un côté, de l’autre, un mur uni, sans la moindre saillie à laquelle ils eussent pu se cramponner, même un moment… Ah ! ils l’avaient bien examinée cette façade du pénitencier et aussi cette corniche sur laquelle, depuis deux mois, ils avaient résolu d’essayer de s’évader !… Un moment d’hésitation, un faux mouvement ; ils le savaient d’avance, ce serait la mort…
818 et 602 marchaient en silence, respirant à peine. À un moment, 818, ayant mal calculé la distance, avait posé le bout du pied dans le vide ; mais, avec un sang-froid extraordinaire, il s’était rapproché du mur… et après cela, il redoubla de vigilance.
Ils essayaient, ces pauvres malheureux, d’oublier l’abîme qui se trouvait à leur droite ; ils ne voulaient songer qu’à l’échelle de sauvetage de laquelle ils s’approchaient davantage chaque fois qu’ils posaient un pied devant l’autre.
Oh ! cette marche sur la corniche du pénitencier ! !… Ces hommes, quand ils vivraient mille ans, ne l’oublieraient jamais… Au souvenir de l’affreux danger couru cette nuit, toujours ils frissonneraient d’épouvante !…
Enfin, 818 parvint à saisir le bord de l’échelle de sauvetage. Il était temps ! 818 tendit la main à 602 et tous deux purent sauter sur l’échelle et s’asseoir sur un de ses échelons… Ils étaient littéralement épuisés… Les jambes tremblantes ; la sueur de l’épouvante au front, les mains glacées, le cœur palpitant, ils n’auraient pu faire un pas de plus.
« Que ça a été épouvantable ! » murmura 602 à l’oreille de 818.
— « Dieu est pour nous, » répondit 818.
Ils furent près d’un quart d’heure sur l’échelle de sauvetage. Quand, enfin, ils sentirent les forces et le courage leur revenir, ils se mirent à descendre l’échelle lentement et avec précautions.