rible ?… Une nouvelle que vous venez de lire dans « Le Babil » ?
— Oui… Quelque chose que je viens de lire dans « Le Babil »… balbutiai-je, et j’éclatai en sanglots.
— C’est… c’est à propos de quelqu’un que nous connaissons, qui nous intéresse alors ?… Rocques… Béatrix…
— Oui ! Oui !… oh ! Écoutez, Mlle Brasier !… Attendez-vous à être surprise… Vous le croirez à peine… Vous…
— Vous m’effrayez, chère amie ! s’écria ma compagne.
— Écoutez… Voici ce que je viens de lire.
Je lus ce qui suit :
« Hier, le 24 mai, à l’église Sainte-Clotilde, a eu lieu un mariage entre M. Aurèle Martigny, rentier, de M… à Mlle Béatrix Tourville, enfant unique de M. Robert Tourville, des Pelouses-d’Émeraude. L’heureux couple résidera à M…, où M. Martigny possède, dit-on, un véritable château ».
— Que Dieu ait pitié de nous ! s’écria Mlle Brasier, lorsque je lui eus lu l’annonce. Mais ! C’est horrible !
— C’est ce que je disais, répondis-je.
— Pensez-y ! Béatrix, la douce et innocente enfant, mariée à cet homme !
— Elle a été forcée de l’épouser… il ne peut y avoir l’ombre d’un doute là-dessus. Pauvre Béatrix !
— Et pauvre Rocques ! ajouta Mlle Brasier.
— Il n’est guère surprenant qu’elle ressemblait à une morte, la dernière fois que nous l’avons vue, n’est-ce pas ?
— Et le mariage a eu lieu hier ?
— Hier, oui.
— Voyez-vous cette enfant, si jeune et si délicate étant contrainte de vivre dans le « palais » d’Aurèle Martigny, entourée de ces domestiques nègres ! reprit ma compagne. Mais ! reprit-elle, elle mourra de peur, et ça ne saurait tarder !
— Je préférerais la savoir morte, répliquai-je. Quand je songe à ce que Mme Martigny nous a raconté, tandis qu’elle était en promenade ici, concernant son beau-frère !
— Que Dieu la garde cette pauvre Béatrix ! sanglota Mlle Brasier.
À ce moment précis, nous entendîmes frapper à la porte de la bibliothèque ouvrant sur le petit bois de sapins.
Me sentant peu disposée à aller ouvrir, je dis :
— Entrez !
La porte s’ouvrit, pour livrer passage à… Rocques Valgai !
— Rocques ! C’est Rocques ! criâmes-nous.
— Oui, Mesdames, c’est Rocques ! répondit notre jeune ami en souriant. Rocques, qui ne vous a jamais oubliées, quoiqu’il eut cessé de vous écrire… Rocques Valgai, qui revient réclamer votre amitié… et l’amour de sa Béatrix !
XXXIII
ROCQUES APPREND LA NOUVELLE
Je faillis m’évanouir…
Comment allais-je m’y prendre pour lui dire que Béatrix était mariée, de la veille : qu’elle venait d’épouser Aurèle Martigny, que Rocques Valgai méprisait tant ; il me l’avait dit déjà… Nous échangeâmes un regard, Mlle Brasier et moi et je vis ma compagne secouer la tête, comme pour me dire : « Dites-le lui, vous ; moi je ne le puis pas » !
Je résolus de remettre la chose autant que possible, comme ça se fait généralement dans les situations difficiles ; le moment fatal viendrait bien assez vite.
— Eh ! bien, Rocques, dis-je en souriant, après que nous lui eûmes souhaité la bienvenue encore et encore, vous allez être obligé de nous expliquer bien, bien des choses, vous savez ; surtout la raison pour laquelle vous avez cessé tout à coup de nous donner de vos nouvelles.
— Certes, Mesdames, je vous dois des explications et je suis prêt à vous les donner, croyez-le.
— Tout à l’heure, répondis-je, toujours souriante. Vos explications, nous les écouterons, après le souper…
— Et voici la cloche du souper qui sonne ! fit Mlle Brasier.
Lorsque nous fûmes à table, je dis à notre jeune ami.
— Je sais que Mme Hénault a loué votre chambre et qu’elle ne peut pas vous pren-